«Vincent Karega»: l’ambassadeur refusé par Kabila mais accepté par Tshisekedi au centre des tensions diplomatiques entre Bruxelles et Kigali

«Vincent Karega»: l’ambassadeur refusé par Kabila mais accepté par Tshisekedi au centre des tensions diplomatiques entre Bruxelles et Kigali

Vincent Karega, l’ambassadeur envoyé par Kigali en Belgique n’a pas encore reçu son agrément. Ambassadeur en République démocratique du Congo, le diplomate avait d’abord été refusé par Joseph Kabila avant d’être accepté par Felix Tshisekedi, malgré la mise en garde des services de renseignements congolais contre le risque que représentait ce diplomate, dirigés alors par le général Delphin Kahimbi, retrouvé pendu quelques mois plus tard. Vincent Karega, qui est arrivé en 2020, a été finalement prié de faire ses bagages en octobre 2022 dans un climat de tensions exacerbées entre la RDC et le Rwanda.

No comment ! », lâche-t-on, rue des Petits Carmes, au ministère des Affaires étrangères après 24 heures d’un silence embarrassé.

Au centre de cet embarras, le nom de Vincent Karega, le diplomate envoyé à Bruxelles par Kigali pour le poste d’ambassadeur du Rwanda. Désigné en mars dernier par le président Paul Kagame comme futur ambassadeur en Belgique, l’homme était appelé à succéder à Dieudonné Sebashongore, en poste depuis 2020.

Mais depuis cette désignation, le diplomate rwandais n’a jamais reçu son agrément. Selon le site Jambonews, critique du pouvoir en place à Kigali, la Belgique a refusé l’agrément de Vincent Karega. Et d’ajouter : « Cette décision marque un tournant dans les relations diplomatiques entre les deux pays et soulève des interrogations quant aux raisons qui ont conduit à cette décision. »

Des diplomates, sous le sceau de la confidence, sont moins directs, plus… diplomatiques. « On ne refuse pas l’agrément, on enfouit le dossier et on attend », explique l’un d’eux. « Parfois, on peut faire passer certains messages, mais, ici, vu le contexte sensible avec la région des Grands Lacs, le pourrissement est la tactique la plus appropriée », explique un autre diplomate.

Un passé sulfureux

« Le parcours de M. Karega pose vraiment souci », explique un ambassadeur africain, qui rappelle que l’homme a été « déclaré persona non grata en Afrique du Sud, où il occupait déjà le poste d’ambassadeur. Il a vécu la même aventure, mais dans un autre contexte, l’année dernière en République démocratique du Congo ».

En Afrique du Sud, Vincent Karega a été suspecté d’être impliqué dans l’assassinat de plusieurs opposants rwandais, parmi lesquels Patrick Karegeya, l’ancien chef des renseignements de Paul Kagame, devenu une des bêtes noires du régime.

À Kinshasa, Vincent Karega, arrivé en 2020, a été prié de faire ses bagages en octobre 2022 dans un climat de tensions exacerbées entre la RDC et le Rwanda depuis le retour sur le front de l’est des hommes du M23 à la fin de l’année 2021. Ces rebelles du M23 seraient directement entretenus par le pouvoir de Kigali, selon Kinshasa et divers rapports d’experts des Nations unies.

Kabila l’avait refusé… pas Tshisekedi

En septembre 2019, avant que Vincent Karega ne présente ses lettres de créance à Kinshasa, les services de renseignement congolais, dirigés alors par le général Delphin Kahimbi, retrouvé pendu quelques mois plus tard, avaient mis en garde le président de la République Félix Tshisekedi contre le risque que représentait ce diplomate.

Il faut dire que les services de sécurité et diplomatique congolais avaient déjà eu le temps de se pencher sur le cas de ce Monsieur. En effet, Vincent Karega frappait déjà depuis quelques mois avec insistance à la porte de la RDC avec sa casquette de futur ambassadeur. On était alors en 2018 et Joseph Kabila était encore au pouvoir. « Mais on a refusé de l’accréditer« , se souvient avec précision un diplomate congolais qui ajoute, un large sourire aux lèvres : « nous non plus nous ne lui avons jamais donné de réponse. En diplomatie, les vertus de la latence ne sont plus à démonter ».

Dans la note envoyée en septembre 2019 aux plus hauts responsables congolais, courrier que La Libre a pu consulter, M. Kahimbi décrivait Vincent Karega, « qui a vécu en RDC pendant de nombreuses années et été formé à l’Université de Lubumbashi en économie », comme un homme « très expérimenté dans les activités clandestines. La présence de M. Karega en RDC serait une menace et un danger pour notre démocratie dans la mesure où l’intéressé pourrait commanditer des assassinats ciblés contre d’éventuels opposants rwandais en RDC », avant de conclure : « Il ne serait pas de bon augure d’accepter sa nomination comme ambassadeur en RDC. Bien plus, son accréditation dans notre pays, après avoir été chassé par l’Afrique du Sud, serait perçue par Pretoria comme un acte inamical… » Le président Tshisekedi n’avait pas tenu compte de cette mise en garde et avait donné son agrément à Vincent Karega.

Les Affaires étrangères belges, même si elles n’ont posé officiellement aucun acte dans ce dossier, semblent néanmoins sensibles au passé de ce diplomate à la réputation sulfureuse.

Dans ce contexte et avec ce passé du candidat ambassadeur, la question cruciale est de savoir pourquoi Paul Kagame a pris le risque d’envoyer cet homme dans son principal poste diplomatique en Europe. « Il faut s’attendre à des remous entre Bruxelles et Kigali », pronostique un ambassadeur africain.

Déboires diplomatiques de la belle-famille Tshisekedi

Aujourd’hui, ces « ennuis » belges du candidat ambassadeur rwandais font les choux gras de la presse et des réseaux sociaux congolais. Certains en profitent, au passage, pour rappeler les « mêmes désagréments » rencontrés par des membres de la famille de Denise Nyakeru, l’épouse du président Félix Tshisekedi. Un clan dans lequel la diplomatie internationale semble être une seconde nature.

En effet, deux membres de cette famille sont les représentants de la RDC au Ghana et au Kenya. John Nyakeru, un temps responsable du protocole du chef de l’État (son beau-frère), a été bombardé ambassadeur au Kenya en février 2022, tandis que Jeannette Njuma Nyakeru (sans le moindre antécédent politique ou diplomatique) a été accréditée au Ghana en juillet de la même année.

Des affectations qui ne sont pas passées inaperçues dans les rangs des diplomates congolais pour qui elles relèvent du « fait du prince » et du « népotisme absolu ». Mais beaucoup ont surtout insisté sur le fait que ces nominations étaient « de toute façon un lot de consolation ». « La dame aurait préféré le poste de Londres, mais le Royaume-Uni, où elle a vécu et a laissé quelques souvenirs… marquants, s’est montré peu réceptif », expliquait un de ses collègues très diplomate. Un autre de ses collègues ajoutait pour sa part que « John louchait sur l’Afrique du Sud mais le pays a fait comprendre qu’il était préférable d’envoyer un autre chef de poste, c’est ainsi que Fidèle Mulaja a été désigné ». Mais le nouveau candidat ambassadeur congolais en Afrique du Sud n’a, jusqu’ici, guère plus de chance. L’homme attend en effet depuis plus d’un an d’être accueilli par la ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Naledi Pandor, pour recevoir son agrément. En attendant, selon une des expressions préférées des Congolais « il est là »… mais sans fonction.

(Bakolokongo avec La LibreAfrique)