RDC/Comores: le ministre comorien des affaires étrangères à Kinshasa après la tentative de coup d’Etat déjouée
L’enquête se poursuit aux Comores dix jours après une tentative de coup d’Etat qui a entraîné l’arrestation d’une quinzaine des personnes. Parmi elles, un présumé mercenaire français, un Tchadien et six Congolais de RDC, dont un est présenté comme un colonel. Des mercenaires congolais aux Comores, c’est une première. Les enquêteurs essaient de comprendre les ramifications de ce complot. Le ministre comorien des Affaires étrangères est à Kinshasa ce vendredi 3 mai pour en parler avec les autorités congolaises.
L’un des Congolais incarcérés à Moroni est présenté comme le colonel Joris Nkombe Amba. On n’est pas encore certain de la validité de cette identité ; d’autant qu’un colonel, portant le même nom était répertorié dans les rangs de l’armée ici, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Mais il est décédé.
Ce colonel congolais, âgé de 36 ans, est résident en France. En revanche, ses compatriotes et subordonnés, au nombre de cinq, venaient tous de Kinshasa, selon les premières constatations des enquêteurs comoriens.
Ils sont arrivés ensemble aux Comores le 13 avril dernier, via Addis-Abeba et Nairobi. Ils ont été arrêtés une semaine plus tard, pendant le week-end des 20 et 21 avril, alors qu’ils s’apprêtaient, selon les autorités comoriennes, à renverser le président Ikililou Dhoinine.
Que viennent faire des Congolais dans cette histoire ?
Comment et par qui ont-ils été recrutés ? Les services de renseignement ici ont lancé une enquête.
Cette enquête intéresse au plus haut point les Comoriens. Kinshasa reçoit aujourd’hui la visite du ministre comorien des Affaires étrangères Mohamed Bacri.
tentative de coup d’Etat déjouée: rappel des faits
Les autorités comoriennes ont déjoué une tentative de coup d’Etat qui a eu lieu dans la nuit du 20 au 21 avril. Une quinzaine de personnes, parmi lesquelles d’anciens militaires de l’armée comorienne ainsi que des mercenaires congolais et tchadiens, ont été arrêtées dans un village situé à une quinzaine de kilomètres au nord de Moroni. Ces personnes, soupçonnées de vouloir prendre le pouvoir, seraient gardées dans le camp des forces comoriennes de défense de Kandaani.
On pensait que le temps des coups d’Etat aux Comores était révolu mais l’archipel semble renouer avec ses vieux démons. En effet, ce complot – déjoué – intervient alors que le pays a retrouvé sa stabilité depuis le putsch de 1999, conduit par le colonel Azali Assoumani. Le pays a aussi renoué avec la démocratie à travers une élection présidentielle tournante entre ses îles.
Le ministre comorien de l’Intérieur, Hamada Abdallah, a confirmé cette tentative de renversement du pouvoir sans donner plus de précisions, en assurant, toutefois, que « le pays est en sécurité ». Selon plusieurs sources, les forces armées comoriennes « auraient procédé aux arrestations dans une villa qui se trouve en bord de mer » et où venait d’atterrir « un hélicoptère piloté par un blanc avec à bord des assaillants ». Ces assaillants – environ une quinzaine – seraient des mercenaires africains, parmi lesquels des Congolais et des Tchadiens.
Outre ces mercenaires, d’anciens hommes de rang de l’armée comorienne de développement (AND) auraient également été arrêtés et seraient gardés dans le camp des forces comoriennes de défense de Kandaani. Mahmoud Ahmed Abdallah Abderemane, un des fils de l’ancien président comorien Ahmed Abdallah Abderemane, ainsi que son beau-frère, Taïb Marouf – un homme d’affaires, gérant d’une société de sécurité – et un ancien bras droit du défunt président, Mohamed Taki, ont éaglement été arrêtés.
Pour l’heure, aucune information ne filtre, ni des rangs du gouvernement ni des autorités militaires. Dans la capitale, la situation demeure floue et les interpellations se poursuivent.
« Des aventuriers nostalgiques »
Joint par RFI, Fahmi Saïd Ibrahim, ancien ministre comorien des Affaires étrangères, a fermement condamné ces faits. « Ce sont des aventuriers nostalgiques qui ont tenté de déstabiliser le président Ikililou Dhoinine qui, je le rappelle, a été élu le plus légalement du monde », a déclaré l’ancien ministre.
Selon lui, les Comores ne sont pas en train de renouer avec les vieux démons, à savoir la trentaine de coups d’Etat qui ont marqué le pays : « Il n’y a aucune raison de penser que nous allons renouer avec le passé malheureux. Je réitère la condamnation ferme à l’égard des gens qui jouent avec la crédibilité de notre pays. On ne peut pas l’accepter », a estimé l’ancien ministre des Affaires étrangères.
Et Fahmi Saïd Ibrahim, faisant allusion à l’arrestation de Mahmoud Ahmed Abdallah Abderemane, un des fils de l’ancien président Ahmed Abdallah Abderemane, a ajouté : « Il faut dire que parmi les personnes arrêtées, il y en a une qui a connu des faits similaires, il y a une vingtaine d’années. Donc, voyez-vous, ce n’est pas sérieux », a-t-il conclu.
plusieurs arrestations après la tentative de coup d’Etat
On en sait un peu plus sur la tentative de déstabilisation annoncée par les autorités comoriennes samedi dernier. Une quinzaine de personnes dont des mercenaires congolais et tchadiens ainsi qu’un leader politique, Mahmoud Ahmed Abdallah, ont été arrêtés et interrogés. Selon les autorités, ces personnes projetaient de renverser le président et de mettre fin à la présidence tournante entre les trois îles.
Le directeur de cabinet du président Ikililou Dhoinine a convoqué mercredi 24 avril les chefs de partis politiques pour leur donner des explications sur la mystérieuse tentative de déstabilisation déjouée samedi dernier.
D’après ces explications, une quinzaine de personnes ont d’ores et déjà été arrêtées, dont sept mercenaires étrangers parmi lesquels figure un colonel de l’armée congolaise. Au rang des personnes sous les verrous figure aussi un leader de parti, le fils de l’ancien président Abdallah, Mahmoud Ahmed Abdallah, soupçonné d’être le cerveau de cette opération de déstabilisation. Il aurait agi de concert avec un commerçant, fournisseur de l’armée comorienne qui aurait été chargé selon les autorités d’acheter des armes.
Les comploteurs voulaient renverser le président et modifier la Constitution pour mettre fin à la présidence tournante entre les trois îles. Un fonctionnement qui garantit depuis 2001 la stabilité des Comores.
Certains opposants se sont montrés sceptiques face à ces révélations. Ils relèvent que le climat politique est tendu actuellement aux Comores où l’actuel chef de l’Etat et son père spirituel, l’ancien président Sambi ont consommé leur divorce. Ils notent aussi que ce complot déjoué intervient alors que l’ancien homme fort de l’île d’Anjouan, Mohamed Bacar, qui vit en exil au Bénin depuis 2008, a annoncé son retour avant la fin du mois.
Par RFI