Congo/Brazzaville: visite d’Etat du président Sassou Nguesso en France sur fond d’affaire des «biens mal acquis»

sassou-franceLe président Sassou Nguesso entame aujourd’hui, lundi 8 avril, une visite de travail de trois jours à Paris, au cours de laquelle il sera reçu à l’Elysée, et dans plusieurs ministères dont les Affaires étrangères et la Défense. Il consacrera une matinée aux patrons français et enfin rencontrera la diaspora congolaise de Paris. Ce sera la deuxième rencontre entre Denis Sassou Nguesso et François Hollande depuis l’élection du président français. Leur entrevue en marge du sommet de la francophonie à Kinshasa en octobre 2012 n’avait pas été très chaleureuse.

Le président congolais avait eu droit à un quart d’heure d’entretien, au cours duquel François Hollande avait fait comprendre à Denis Sassou Nguesso que la justice pourrait mener comme elle l’entendait son enquête sur les « biens mal acquis ».

D’ailleurs, depuis, une perquisition a eu lieu dans une villa parisienne d’une des filles du président congolais. Ce que ce dernier, selon son entourage, a vécu comme une provocation.

Influence politique

Denis Sassou Nguesso espérait redorer son blason auprès de Paris en se posant en médiateur des conflits en Afrique centrale. N’était-il pas le négociateur attitré pour la crise centrafricaine, et dans le conflit dans la région des Grands Lacs ? Or sur ce dossier, il apparaît désormais au deuxième plan derrière le président Museveni. Et sur la question centrafricaine, depuis la prise de Bangui par la Seleka, c’est le Tchad qui est à la manoeuvre. Le Tchad qui a également soutenu la France dans la crise malienne.

Néanmoins le Congo conserve une influence politique sur laquelle Paris ne peut pas faire l’impasse.

La France, premier partenaire économique

C’est dix jours seulement après avoir reçu le président chinois à Brazzaville, que Denis Sassou Nguesso est reçu à l’Elysée.

La Chine a fait une grande percée en matière d’investissements au Congo au cours de ces dix dernières années. Mais de façon officielle, la France reste le premier partenaire économique et financier du Congo. En 2011, son aide a atteint 24 millions d’euros. Les exportations françaises ont, elles, culminé à près de 590 millions d’euros en 2012.

Le pouvoir congolais a souvent reconnu que Paris l’a aidé et s’est impliqué pour que le Congo atteigne en 2010, le point d’achèvement de l’initiative en faveur des Pays pauvres très endettés (PPTE), ce qui a donné lieu à l’effacement de la plus grande partie de la dette du pays. Le Congo était à l’époque considéré comme un des pays les plus endettés au monde par tête d’habitant.

En termes d’investissement, l’Agence française de développement a accordé en 2009 un prêt de 29 millions d’euros au port de Pointe-Noire, dont la gestion est assurée par le groupe Bolloré, qui s’est engagé à investir 570 millions d’euros sur vingt-sept ans, pour la mise en concession du terminal à conteneurs du port.

La grande partie du pétrole, première ressource du Congo, est extraite par le groupe français Total.

Le président congolais dénie à la justice française «le droit» d’enquêter sur les «biens mal acquis»

sassou-parisLe président congolais Denis Sassou Nguesso, reçu ce lundi 8 avril à Paris par François Hollande, a dénié à la justice française « le droit » d’enquêter sur les « biens mal acquis », estimant qu’il s’agissait d’une entorse au principe de non ingérence. Ce principe doit être « respecté pour que la justice en France ne se sente pas le droit de traiter de questions qui intéressent les problèmes intérieurs aux autres Etats », a-t-il insisté.« Monsieur Sassou Nguesso est un homme du passé », lui répond l’avocat de la Ligue des droits de l’homme (LDH), Maître William Bourdon.

 «Ce que nous voulons rappeler, c’est que le principe auquel nous avons tous souscrit au plan international est celui de la non-ingérence dans les affaires intérieures», a déclaré le chef de l’Etat congolais à l’issue d’un entretien de plus d’une heure avec son homologue français. Ce principe doit être «respecté pour que la justice en France ne se sente pas le droit de traiter de questions qui intéressent les problèmes intérieurs aux autres Etats», a-t-il insisté.

«Voilà, c’est ça le principe», a conclu Denis Sassou Nguesso. A son arrivée à l’Elysée, François Hollande s’était abstenu de descendre les marches du perron pour l’accueillir, échangeant une brève poignée de main. Interrogé par un journaliste qui lui demandait si cette affaire lui empoisonnait la vie et l’empêchait de dormir, Denis Sassou Nguesso a répondu d’un lapidaire : «Certainement pas».

Deux juges parisiens enquêtent sur les conditions dans lesquelles un très important patrimoine immobilier et mobilier aurait été acquis en France par Denis Sassou Nguesso, l’ancien président gabonais Omar Bongo et le président de Guinée équatoriale Teodoro Obiang ainsi que certains de leurs proches. Les ONG Sherpa et Transparence International France sont à l’origine de la plainte qui a déclenché cette triple enquête.

Dans un communiqué, la présidence française a indiqué qu’il avait «été convenu de poursuivre le développement des relations économiques entre la France et le Congo» mais «dans un cadre de transparence renforcé». Les présidents français et congolais ont par ailleurs «constaté l’illégalité d’une prise de pouvoir par la force» en République centrafricaine, toujours selon l’Elysée.

A ce propos, François Hollande a souligné sa «volonté» que «l’ensemble des forces politiques centrafricaines soient associées au sein d’un gouvernement d’union nationale», assurant de nouveau que «la présence militaire en Centrafrique est seulement destinée à renforcer la sécurité des ressortissants français»«Nous sommes en train de chercher la mise en place d’instances de transition pour aller vers des élections», a indiqué pour sa part le président congolais, relevant que «ce n’est pas en faisant ainsi qu’on légitime un coup de force».

Sur la situation en République démocratique du Congo, les présidents français et congolais «se sont réjouis de l’adoption» d’une résolution des Nations unies qui permettra «le déploiement d’une brigade d’intervention africaine dotée d’un mandat robuste», selon la présidence française. Le chef de l’Etat français a par ailleurs «remercié son homologue congolais pour le soutien politique et logistique apporté aux forces africaines et à la France dans le cadre de l’opération de libération du Nord du Mali», toujours selon l’Elysée.

Par RFI et Reuters