Chine : l’ex-étoile montante du régime, Bo Xilai, condamné à la prison à vie

Bo Xilai, l’ex-dirigeant chinois à l’origine du plus vaste scandale politico-criminel qu’ait connu le régime depuis la fin de la révolution culturelle, a été condamné à la prison à vie, dimanche 22 septembre.3482404_3_6a05_bo-xilai-ecoute-son-verdict-devant-la-cour-de_8dbe85bf01be32000afedbc9d92ceac4

Il a été reconnu coupable de « détournement de fonds, de corruption et d’abus de pouvoir » par le tribunal de Jinan, la capitale du Shandong.

« La cour prononce une peine de prison à vie avec privation permanente des droits politiques », indique l’énoncé du jugement publié sur Weibo, l’équivalent chinois deTwitter. Dans le détail, elle a retenu « quinze ans d’emprisonnement pour détournement de fonds et sept ans pour abus de pouvoir », ainsi que la confiscation de tous ses biens.

L’accusation d’abus de pouvoir est liée à l’assassinat de l’homme d’affaires britannique Neil Heywood, en 2011, par son épouse, Gu Kailai – assassinat qu’il est accusé d’avoir étouffé. Lors de son procès, en août, il avait aussi été accusé d’avoir empoché plus de 2,6 millions d’euros de pots-de-vin et détourné plus de 600 000 euros de fonds publics, notamment pour l’acquisition d’une villa à Cannes, gérée notamment par Neil Heywood.

« SPECTACLE »

Le ministère public avait requis « une lourde peine » contre l’ancien chef du Parti communiste de Chongqing, l’accusant d’avoir « nié non seulement des faits illégaux basés sur des preuves solides, mais aussi les documents qu’il avait rédigés et la confession qu’il a faite », bref, de « refuser d’avouer ses crimes ».

Tout au long des cinq jours d’audience, Bo Xilai n’a cessé en effet de nier les faits qui lui sont reprochés et a fait valoir ses droits. N’hésitant pas à mettre en cause les témoins, il a notamment traité sa femme – qui a témoigné contre lui – de « folle »et de « menteuse », et son ancien bras droit, Wang Lijun, de personnage « vil ».

La justice, toujours sous contrôle étroit du Parti, a innové lors de cette audience de cinq jours, particulièrement longue en Chine, en « tweetant » les débats, suivis par des millions d’internautes. Ce semblant de transparence pour un procès est inédit. Mais depuis le début de l’affaire, la seule version disponible des faits en est la retranscription officielle. Le procès a été qualifié de « fiction » et de « spectacle » par l’artiste dissident Ai Weiwei, dans une tribune diffusée fin août par l’agence Bloomberg.

Lire l’éclairage (édition abonnés) : « Bo Xilai, procès unique ou exemplaire ? »

FIN DE CARRIÈRE

Ce verdict sévère tire un trait définitif sur la carrière de l’un des plus hauts responsables politiques traduits en justice – membre jusqu’à l’an dernier du bureau politique du Parti communiste chinois. Un temps perçu comme un rival de l’actuel président Xi Jinping, cet ancien ministre du commerce avait pris la tête, en 2007, de l’immense métropole de Chongqing, dont il est parvenu à faire un pôle économique majeur. Il y avait orchestré une campagne de réhabilitation des valeurs maoïstes, mais aussi une répression violente sous prétexte de lutte contre les « mafias », qui s’est soldée par près de 5 000 emprisonnements, dont beaucoup d’entrepreneurs privés.

Sa chute l’an dernier, véritable coup de théâtre, avait été provoquée par la défection de son bras droit, le chef de la police de Chongqing, Wang Lijun. Brouillé avec son patron, ce dernier avait révélé la culpabilité de Gu Kilai dans l’assassinat de l’homme d’affaires britannique. Cette brillante avocate, qui aurait agi pour des motifs financiers et pour « protéger » le fils du couple, a été condamnée l’an dernier à la perpétuité.

Populaire dans son fief de Chongqing et dans les secteurs nostalgiques du maoïsme, ce « prince rouge », fils d’une des figures de la révolution communiste, l’est moins dans les hautes sphères du régime : sa personnalité flamboyante et son populisme y sont perçus comme une menace pour une direction « collégiale » qui marche au consensus depuis la disparition de Deng Xiaoping en 1997, dernière figure historique du communisme chinois.

Le Monde