Bombardement de Gisenyi: Rwanda et RDC s’accusent mutuellement, Ban Ki-moon hausse le ton contre le Rwanda

Le Rwanda accuse la République démocratique du Congo (RDC) d’avoir délibérément bombardé son territoire. Une femme a été tuée et son enfant grièvement blessé près de Gisenyi à la frontière des deux pays.kagame-ban-kabila

Kigali affirme que 34 obus ont été tirés sur son territoire depuis le Congo au cours du mois écoulé. Mais Kinshasa réplique en accusant désormais directement l’armée rwandaise de tirer délibéremment sur son propre territoire dans un but de manipulation.

Ce matin, deux obus sont tombés dans la ville. Le premier est tombé dans le quartier très populaire de Bugangari, non loin d’un marché très fréquenté. Au milieu de la route en terre et de roches volcaniques, un cratère d’un mètre environ était visible ce jeudi 29 août.

C’est à cet endroit que se trouvait la femme qui a perdu la vie ce matin. Le bébé de deux ans qu’elle portait sur le dos a été blessé, mais selon une source hospitalière, ses jours ne sont pas en danger. Sur le côté de la route, plusieurs maisons ont également été endommagées.

La panique est retombée

Plus au sud  de la ville, c’est à 200 mètres du poste frontalier de la Grande barrière, sur la route qui longe le lac Kivu, que le second obus est tombé. Il a fait un blessé grave, qui a été directement transferré devant l’hôpital de Kigali.

Ce jeudi après-midi, la ville avait retrouvé son calme. Seules quelques boutiques, sur la route qui longe la frontière avec la RDC au Nord, à la hauteur de la Petite barrière, étaient fermées. La panique des habitants était cependant un peu retombée.

« Bombardements incessants et inacceptables »

Dans un communiqué publié en fin de journée, la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo, a dénoncé ce qu’elle a qualifié de « bombardements incessants et inacceptables du territoire rwandais par l’armée congolaise. »

Ce n’est pas la première fois que le Rwanda accuse son voisin, et la ministre a de nouveau prévenu : « Le Rwanda a exercé de la retenue aussi longtemps que possible, mais cette provocation ne peut plus être tolérée. Nous n’hésiterons pas à défendre notre territoire. »

Kinshasa rejette l’accusation de Kigali et affirme même que le Rwanda a tiré des obus sur son propre territoire. C’est en tout cas ce qu’indique le porte-parole du gouvernement congolais.

De son côté, selon des diplomates, l’ONU a accusé le Rwanda de soutenir militairement  les rebelles du M23, précisant avoir « constaté » des tirs d’artillerie rebelles sur le Rwanda.

Les Nations unies accusent le Rwanda de soutenir le M23

Les Nations unies ont intensifié jeudi 29 août l’engagement de la brigade d’intervention de la Monusco aux côtés de l’armée régulière congolaise contre les rebelles du M23. Dans le même temps, à New York, l’ONU a de nouveau accusé le Rwanda de soutenir la rébellion au cours d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité sur la situation au Nord-Kivu.

C’est le sous-secrétaire général de l’ONU aux opérations de maintien de la paix, Edmond Mulet, qui a fait le point jeudi, sur la situation au Nord-Kivu, au cours d’une réunion à huis clos du Conseil de sécurité.

D’après des diplomates, Edmond Mulet a déclaré que l’ONU avait des informations crédibles sur un soutien de l’armée rwandaise au M23. Il a parlé d’infiltrations de troupes rwandaises en RDC ces derniers jours. Il a aussi accusé le M23 d’être à l’origine des tirs d’artillerie qui ont touché la ville rwandaise de Gisenyi, voisine de Goma.

Pour l’ONU, le M23 est responsable des tirs sur le Rwanda

« Le secrétaire général aux opérations de maintien de la paix a confirmé à l’instant que le M23 avait tiré de manière répétée et délibérée sur des civils de Goma et sur la Monusco », a rapporté au micro de RFI Alexis Lamek, adjoint de l’ambassadeur français à l’ONU. « Edmond Mulet a également souligné que des éléments du M23 tiraient sur le territoire rwandais, à partir de positions qu’ils tiennent sur le territoire de la République démocratique du Congo. Edmond Mulet a par ailleurs précisé que les seules observations de tirs qui sont effectués sur le territoire rwandais viennent des positions tenues par le M23. »

Pour le Rwanda, « une ligne a été franchie »

Selon l’ONU, les FARDC (Forces armées de la République démocratique du Congo) ne seraient donc pas responsables de ces tirs qui ont touché le territoire rwandais. Le Rwanda accuse pourtant l’armée congolaise. « Une ligne a été franchie. Les civils rwandais sont pris pour cibles par les forces armées congolaises. Nous ne pouvons pas tolérer cette provocation plus longtemps, et nous n’hésiterons pas à défendre notre territoire », a déclaré Olivier Nduhungirehe, ambassadeur adjoint du Rwanda à l’ONU.

Dans ce contexte d’escalade militaire et verbale, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a contacté le président rwandais pour l’inciter à la retenue.

Ban Ki-moon hausse le ton contre le Rwanda

L’ONU persiste et signe sur sa conviction que les obus tirés sur le Rwanda l’ont été par le M23 et non par l’armée congolaise. Après les déclarations du chef des opérations de maintien de paix de l’ONU (Monusco), le 29 août lors d’une réunion à huis clos devant le Conseil de sécurité selon lesquelles des soldats rwandais s’étaient infiltrés ces derniers jours au Nord-Kivu pour appuyer les rebelles du M23, c’est au tour du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon d’enfoncer le clou et de confirmer publiquement ces accusations.

L’ONU est convaincue que c’est le M23 qui tire des obus contre le Rwanda et non les forces congolaises. Jusqu’ici ces accusations n’avaient été faites qu’à huis clos. Ban Ki-moon le dit maintenant très officiellement dans une déclaration.

Le secrétaire général parle de « tirs non ciblés du M23 » dans les zones frontalières du Rwanda et sur les positions des casques bleus. Cette affirmation de Ban Ki-moon est en contradiction directe avec la version du Rwanda qui accuse l’armée congolaise de tirer son territoire et menace d’intervenir.

Cette déclaration est de nature à tendre encore un peu plus les relations entre le Rwanda et les Nations unies. Même si Ban Ki-moon ne va pas jusqu’à le dire publiquement, la thèse parmi les diplomates onusiens est que le Rwanda se sert du M23 pour provoquer des incidents et justifier une intervention militaire.

Le représentant rwandais s’est retrouvé très isolé jeudi devant le Conseil de sécurité. « Si je dois croire quelqu’un, lui a lancé l’ambassadeur du Guatemala, je fais confiance à la parole de l’ONU avant celle du Rwanda ».

L’ONU dénonce une nouvelle fois le soutien du Rwanda au M23

Le sous-secrétaire général au maintien de la paix affirme que des soldats rwandais opèrent dans l’est de la RDC. Il l’a dit au cours d’une réunion très tendue du Conseil de sécurité où siège le Rwanda.

Edmont Mulet, chargé des missions de maintien de la paix y a fait un rapport extrêmement sévère. Il affirme que des soldats rwandais se sont infiltrés ces derniers jours en RDC. Il assure également que ce sont les soldats du M23 qui ont tiré des obus sur le Rwanda et non les forces congolaises.

La thèse de l’ONU est que le Rwanda cherche un prétexte pour intervenir en RDC. L’un des membres du Conseil a parlé d’une manipulation pour faire monter les tensions » et d’un « piège dans lequel il ne faut pas tomber  ». Le représentant rwandais a nié ces accusations avec véhémence.

Ces tensions entre le Rwanda et les autres membres du Conseil de sécurité viennent après la mort d’un casque bleu tanzanien tué dans une attaque du M23. Le Rwanda a bloqué à trois reprises une condamnation du Conseil. Le texte a finalement été amendé, adouci et adopté ce jeudi.

Le Rwanda bloque encore l’adoption de sanctions proposées par la France contre deux commandants du M23, jugeant que les preuves contre eux sont « faibles ».

Par RFI