Tensions au sein de la coalition au pouvoir en RDC: le vice-ministre de la santé dénonce la « mafia » au sein de son ministère

Tensions au sein de la coalition au pouvoir en RDC: le vice-ministre de la santé dénonce la « mafia » au sein de son ministère

Dans un mémorandum « très confidentiel » adressé au Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le vice-ministre de la santé, Albert M’peti Biyombo, dénonce l’existence de « réseaux mafieux » qui exigent des pots-de-vin « jusqu’à hauteur de 35% » pour l’attribution de contrats. M. Biyombo semble indexer aussi son ministre de tutelle, le Dr Eteni Longondo et demande l’ouverture d’un audit financier de la riposte au coronavirus.

En République démocratique du Congo, le vice-ministre de la Santé a dénoncé des « réseaux mafieux » au sein même de son ministère pour « détourner » des sommes allouées à la lutte contre l’épidémie de Covid-19. Daté au 29 juin, soit la veille de la commémoration de la fête de l’indépendance de la RDC, le mémorandum pointe du doigt des membres du gouvernement sans toutefois les nommer. Ils auraient détourné les fonds alloués par l’État congolais et ses partenaires pendant que les hôpitaux publics manquent de médicaments et d’équipements de base.

« Au ministère de la Santé il existe des solides réseaux mafieux créés à dessein pour détourner ces fonds », écrit le vice-ministre de la Santé Albert M’Peti Biyombo dans un « Mémorandum » de trois pages adressé au Premier ministre Sylvestre Ilunga.

« Ces réseaux mafieux exigent des rétro-commissions jusqu’à hauteur de 35% auprès des structures bénéficiaires de ces fonds », ajoute le texte.

Document classé « très confidentiel »

Ce document est authentique, ont indiqué une source dans l’entourage du Premier ministre et une source parlementaire. Classé « très confidentiel », il a fuité sur les réseaux sociaux sur fond de crise politique au sein de la coalition au pouvoir.

Le vice-ministre de la Santé et le Premier ministre sont des membres du Front commun pour le Congo (FCC) de l’ex-président Joseph Kabila. Le ministre de la Santé Eteni Longondo est membre de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti de l’actuel président Félix Tshisekedi.

Selon le vice-ministre, Dr Longondo avait signé le décaissement de sommes importantes pour des ambulances, des lits et d’autres équipements médicaux sans demander la contre-signature de son adjoint, ce qui est contraire aux règles de passation des marchés publics.

« Le ministre de la Santé signe seul le décaissement de gros montant et ne m’a jamais associé dans la gestion de ces fonds sauf des petites sommes », avance le vice-ministre de la Santé, affirmant qu’il devrait « contresigner ».

Le vice-ministre affirme avoir refusé de signer deux « documents financiers non prioritaires et complaisants ».

Le ministre Longondo n’a pas réagi immédiatement à une demande de commentaires. La veille, il s’était défendu selon nos confrères de Top Congo, affirmant que « la paie des agents de la riposte n’est pas gérée par le ministère, mais la Primature ».

Dans une question écrite datée du 3 juillet, un député FCC, François Nzekuye, a également dénoncé « la gestion financière catastrophique au sein du ministère de la Santé » où des « sommes importantes seraient décaissées en dehors de toute orthodoxie financière ».

Cet élu demande par ailleurs au ministre d’éclaircir l’Assemblée nationale sur des soupçons de demandes des « rétrocommission qui iraient jusqu’à 35% » et « d’enrichissement illicite » au ministère.

Le ministre de la Santé n’a pas répondu immédiatement aux sollicitations de l’AFP.

A Kinshasa, les agents de santé en charge de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 ont lancé lundi une « grève illimitée », accusant le ministère de la Santé de ne pas les payer depuis trois mois.

Le 20 juin, le chef de la lutte contre le coronavirus, le Dr Jean-Jacques Muyembe, a affirmé n’avoir reçu que 1,4 million de dollars depuis l’apparition des premiers cas le 10 mars.

En mars, le prédécesseur du Dr Longondo, l’ancien ministre de la santé Oly Ilunga, a été condamné à cinq ans de travaux forcés pour avoir détourné plus de 400 000 dollars destinés à la riposte contre la maladie à virus Ebola. Ce dernier dénonce un vice de procédure.

(Bakolokongo avec Afp)