RDC: l’heure des discussions entre le M23 et Kinshasa a sonné, sans la présence de Kabila

Les responsables politiques du M23 sont attendus ce vendredi 7 décembre dans la soirée à Kampala. La capitale ougandaise doit accueillir des pourparlers entre le groupe rebelle et le pouvoir congolais. Une partie de la délégation gouvernementale envoyée par Kinshasa est d’ailleurs déjà sur place. Quant à l’ordre du jour, les choses sont encore loin d’être clarifiées. Les insurgés souhaitent évoquer de nombreux sujets, mais les autorités congolaises ont prévenu qu’elles ne parleraient que de l’application de l’accord du 23 mars, qui avait intégré dans l’armée les insurgés du CNDP.

L’heure de la discussion est arrivée. A Kampala, les délégations de la rébellion et de Kinshasa vont devoir fixer un cadre de négociation. Pour les représentants du pouvoir, dirigés par le ministre des Affaires étrangères, il s’agit de faire le bilan des accords du 23 mars 2009, passés entre le gouvernement Kabila et, à l’époque, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP).

Ce groupe rebelle avait alors été intégré dans l’armée, avant d’entrer à nouveau en dissidence sous l’appellation M23 (Mouvement du 23-Mars). Mais on sait que le M23 veut élargir le débat. Le pouvoir va-t-il accepter ? « C’est trop tôt pour le savoir », dit le sénateur Thekys Mulaila, élu du parti au pouvoir, le PPRD.

La paix autour d’une table

« Il faut avoir des termes de référence, explique le sénateur. Ici, les termes de référence c’est l’accord du 23 mars. Pour les autres éléments, je crois que le gouvernement va apprécier. »

M. Mulaila a-t-il déjà un sentiment sur l’issue des discussions ? « Je suis très optimiste », répond-il. Selon lui, « la paix la plus durable, c’est la paix autour d’une table ».

« Droit de regard de l’opposition »

L’opposition parlementaire avait dit que personne n’irait à Kampala. Ce n’est pas le cas, quelques-uns ont fait le voyage. C’est le cas de Christian Badibangi, qui se défend d’être un faire-valoir.

« Lorsque vous dites que l’opposition n’est pas représentée, c’est choquant ! Je suis là, je représente valablement l’opposition, l’âme oppositionnelle. En tant que parlementaire élu par cette opposition radicale, j’ai le droit de regard », estime M. Badibangi.

Premier défi : l’ordre du jour

Les discussions devraient débuter au plus tôt ce vendredi soir, dans un grand complexe hôtelier au bord du lac Victoria. « Que va-t-on négocier exactement ? », telle est la question à laquelle personne n’ose encore répondre à Kampala. Le mouvement rebelle avait déjà annoncé la couleur, en disant vouloir tout mettre sur la table : les revendications sociales des militaires mutins, mais surtout la démocratie, les droits de l’homme, la gouvernance.

Pour sa part, le pouvoir de Kinshasa disait plutôt se préparer à une discussion limitée aux premières revendications des mutins. Etablir un ordre du jour sera donc le premier cap difficile à franchir. Face aux rebelles, le gouvernement de Kinshasa a voulu présenter une délégation représentative de la nation : la société civile est là, quelques parlementaires aussi, donc.

Goma, l’atout du M23

Mais les ténors de l’opposition ont boudé la rencontre. Les rebelles eux, n’envoient pas leurs principaux leaders, parce que le chef de l’Etat ne sera pas présent. Joseph Kabila assiste à un sommet de l’Afrique australe en Tanzanie.

Le M23 a un moyen de pression considérable. Certes, il s’est retiré de Goma, mais il n’est pas très loin. A tout moment, il peut menacer de reprendre la ville si la discussion ne lui convient pas.

Dialogue sans Kabila entre les autorités et le M23 à Kampala

Après le retrait du M23 de Goma, ville clé de l’est de la République démocratique du Congo, un premier dialogue doit réunir à Kampala les autorités congolaises et les rebelles, sans le président Joseph Kabila, jeudi 6 décembre au soir ou vendredi matin.

« Ce dossier est très, très délicat », confie une source de la présidence en République démocratique du Congo. Selon elle, mardi en début de soirée, les discussions « battaient leur plein » pour trancher sur une question : le président Joseph Kabila doit-il se rendre à Kampala pour rencontrer une délégation du Mouvement du 23-Mars (M23), que l’armée combat depuis mai dans la riche province du Nord-Kivu (est) ?

Le 20 novembre, les rebelles se sont emparés de Goma, la capitale provinciale. Réunie en sommet le 24 novembre à Kampala, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) a demandé au M23 de quitter la ville et de retourner sur ses positions initiales, adossées au Rwanda et à l’Ouganda. En contrepartie, le président Kabila devait « écouter, évaluer et satisfaire les revendications légitimes ».

Alors que le jour du dialogue n’est pas encore fixé, la source présidentielle annonce que le chef de l’Etat « n’est pas du voyage ». « Aucune disposition ne disait que le président Kabila devait être lui-même présent, renchérit un cadre de la présidence. On a voulu trop personnaliser, et à tort, cette affaire. C’est le gouvernement qui avait signé les accords du 23 mars 2009 », dont les rebelles revendiquent la pleine application.

Aussi, indique-t-on à la présidence, « l’opinion publique est assez divisée sur cette question. Déjà, elle n’avait pas beaucoup aimé qu’il se rende à Kampala » pour le sommet de la CIRGL, présidé par l’Ouganda, médiatrice de la crise dans l’est congolais. « On doit (…) éradiquer le M23, pas négocier avec lui ou le légitimer comme cela a été fait par la CIRGL », a par exemple martelé Omar Kavota, vice-président de la Société civile du Nord-Kivu.

Son animosité est d’autant plus forte qu’il considère l’Ouganda juge et partie. La Société civile du Nord-Kivu a en effet plusieurs fois dénoncé l’entrée en RDC de troupes ougandaises venues prêter main forte au M23. Des experts de l’ONU accusent aussi ce pays, et le Rwanda, de soutenir les rebelles – ce que réfutent Kampala et Kigali. Ils affirment par ailleurs que les deux voisins ont appuyé le M23 dans son offensive pour prendre Goma.

Jusque-là, Kinshasa écartait toute discussion avec le M23. Mais, en marge du sommet, le chef de l’Etat congolais a rencontré pour la première fois le président de la branche politique du M23, Jean-Marie Runiga. Ce dernier a revendiqué la pleine application des accords du 23 mars 2009, qui ont régi l’intégration dans l’armée du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), la rébellion dont sont issus la plupart des combattants du M23.

Le chef rebelle a ajouté d’autres doléances et exigé un dialogue « direct » avec Joseph Kabila. « Nous en restons aux spécifications de cette déclaration des chefs d’Etats : 1) écouter le M23, 2) les écouter sur base de ce qui a provoqué leur création, c’est-à-dire la prétendue non exécution des accords de 2009 », rétorquait fin novembre Lambert Mende, porte-parole du gouvernement.

Samedi, le M23 s’est retiré de Goma et, dès le lendemain, les rebelles s’impatientaient. « Il faut que Kabila se prononce sur un cessez-le-feu rapidement, et qu’il parle avec nous, a déclaré le lieutenant-colonel Vianney Kazarama, porte-parole militaire du groupe armé. Il ne parle pas, il ne communique pas ! On dirait que pour lui, comme on s’est retiré de Goma, c’est terminé, le dossier est clos. »

Pas clos, mais de plus en plus compliqué. Mercredi, la formation de la délégation congolaise virait toujours au casse-tête. On évoque le départ de quatre membres du Sénat et du Parlement, et du ministre des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda. Mais rien de figé. « Actuellement, la classe politique et les forces vives, y compris l’opposition, ne veulent plus laisser l’initiative du dialogue au seul président », explique la source présidentielle.

L’opposition parlementaire a annoncé qu’elle ne se rendrait pas à Kampala, mais là encore, rien ne semble définitif. « On est encore en discussion avec les autorités », a assuré en début d’après-midi Samy Badibanga. Ce député préside le groupe parlementaire de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le principal parti d’opposition qui a rejeté en 2011 la réélection de Joseph Kabila.

Par RFI