RDC: le député du Nord-Kivu, Muhindo Nzangi Butondo, arrêté à Goma après des propos critiques contre Joseph Kabila et la Monusco
Muhindo Nzangi Butondo, ce député national de la majorité, élu du Nord-Kivu, avait choisi de passer ses vacances parlementaires dans son fief électoral de Goma. Dimanche, il a été interpellé et mis aux arrêts pour atteinte à la sécurité intérieure de l’Etat et transféré le même jour à Kinshasa.
Son péché, selon des sources sur place à Goma, est d’être intervenu sur une radio locale pour soutenir une initiative de la société civile qui a appelé à une journée « ville morte » ce mardi en mémoire des victimes de la guerre déclenchée par le Mouvement du 23-Mars, le M23. Au cours de la même intervention, le député aurait fait allusion au laxisme du gouvernement et de la Monusco.
A partir de Kisangani où ils se trouvent, ses parents disent n’avoir aucune nouvelle de lui. Toutes les tentatives pour connaître son lieu de détention seraient restées vaines. Et dans un communiqué, sa famille demande au pouvoir en place de lui reconnaître sa liberté d’expression et de considérer ici qu’il s’agit d’un père de famille.
Appel au calme
De leur côté, les autorités du Nord-Kivu tentent d’apaiser les tensions. Le gouverneur de la province, Julien Paluku a évoqué sur l’antenne de RFI la journée « ville morte » à laquelle appellent certains acteurs de la société civile, mais aussi l’incompréhension de ceux-ci. En effet, une partie de la population de Goma reproche aux autorités du pays d’avoir stoppé l’offensive de l’armée contre les rebelles alors que celle-ci avait pris l’avantage sur le terrain.
« Les opérations militaires ne peuvent pas se mener sur la base d’une pression de la population, explique Julien Paluku, parce que les opérations relèvent de la stratégie militaire. On ne peut pas pousser l’armée à organiser les opérations à un jour donné, sinon l’ennemi sera informé. C’est ce que nous avons dit à la société civile. »
Rappel des faits
la Société civile du Nord-Kivu veut faire pression sur les forces de l’ONU
Des associations et organisations du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), ont décrété trois jours de deuil à partir de ce vendredi 9 août. La fédération d’ONG Société civile du Nord-Kivu entreprend cette action en mémoire des personnes tuées par les groupes rebelles et pour pousser la brigade d’intervention de la Monusco (Mission de l’ONU pour la stabilisation de la RDC) à mener une action offensive pour protéger les civils, comme le prévoit son nouveau mandat.
La Société civile du Nord-Kivu a organisé trois jours d’actions. Pour ce vendredi, elle a appelé les gens à rester chez eux. Pour samedi, elle leur a demandé de porter des habits noirs, en mémoire des personnes tuées par les groupes rebelles. La journée de dimanche sera quant à elle consacrée à la méditation.
La semaine dernière, la Société civile avait posé un ultimatum à la brigade d’intervention de la Monusco, en lui donnant une semaine pour passer à l’offensive contre les groupes rebelles, comme le prévoit son nouveau mandat. La brigade d’intervention est intégrée à la Monusco et doit compter, à terme, 3 000 Sud-Africains, Tanzaniens et Malawites. Sa première mission est d’assurer la protection des civils, conjointement avec la Monusco.
Le délai fixé par la Société civile est donc passé, sans qu’il y ait eu la moindre action offensive. Des personnes continuent d’être « tuées ou enlevées », victimes d’éléments appartenant aux groupes armés, dont le principal est le Mouvement du 23-Mars (M23) – qui avait occupé Goma fin novembre. Victimes aussi des milices locales, de la rébellion hutu rwandaise des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDRL) et de la rébellion ougandaise des Forces alliées démocratiques-Armée nationale pour la libération de l’Ouganda.
Joint par RFI, Me Omar Kavota, vice-président et porte-parole de la Société civile du Nord-Kivu, affirme que la situation reste inchangée et envisage d’autres actions « de grande envergure » pour pousser la brigade d’intervention des Nations unies à agir. « Ce n’est pas une guerre contre la Monusco ou contre l’autorité mais c’est une pression pour l’amener à agir, sinon nous disons : elle doit plier bagage », précise le porte-parole de la Société civile du Nord-Kivu.
des frustrations populaires autour de la zone de sécurité de l’ONU
La zone de sécurité instaurée pour prévenir les assauts rebelles sur Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo, génère de la frustration. A Goma, les habitants voudraient que le périmètre soit étendu aux territoires sous contrôle de la rébellion M23. La mission de l’ONU rassure en affirmant que le tracé de la zone de sécurité est une « première étape ».
Ultimatum. Le 30 juillet, la Mission de l’ONU pour la stabilisation de la République démocratique du Congo (Monusco) a laissé 48 heures aux groupes armés de Goma et sa région pour se rendre ou choisir d’être désarmés de « force ». L’objectif des casques bleus de l’ONU est d’instaurer une « zone de sécurité » protégeant la capitale de la province riche et instable du Nord-Kivu – une ville d’un million d’habitants, dont plusieurs dizaines de milliers de déplacés de guerre.
La Monusco, qui compte en RDC 17 000 hommes, sécurise la zone avec sa brigade d’intervention, au mandat offensif, et qui signe sa première opération officielle. Le tracé de la zone doit surtout prévenir d’éventuelles attaques du Mouvement du 23-Mars (M23). Ce groupe armé avait occupé Goma à la fin du mois de novembre dernier et « chercherait depuis le mois de mai à progresser en direction de Goma et Saké », a affirmé la mission de l’ONU.
Certains se montrent sceptiques sur l’efficacité de cette zone de sécurité. « Je ne connais pas un seul groupe armé qui soit installé dans cette zone », constate Fidel Bafilemba, analyste pour l’ONG américaine Enough Project. La société civile du Nord-Kivu renchérit avec « amertume » que la « zone ciblée par la mission est déjà conquise par les FARDC », l’armée gouvernementale. Rassurante, la Monusco a souligné qu’elle « pourra être élargie et reproduite ailleurs, le cas échéant », avant d’assurer que son tracé n’était qu’une « première étape ».
Mais le mouvement de jeunes qui « Lutte pour le changement » (Lucha), et revendique 800 membres, estime qu’il y a urgence. « Nous exigeons l’extension immédiate de la zone de sécurité (…) afin de sécuriser les autres milliers de civils se trouvant dans les zones sous occupation du M23 et d’autres groupes armés, qui subissent des exactions absolument inacceptables », écrit-il dans un communiqué publié le vendredi 2 août.
Le Rutshuru oublié
Les positions du M23 se trouvent essentiellement dans le Rutshuru, un territoire adossé au Rwanda et à l’Ouganda. Les deux Etats sont accusés par des experts de l’ONU de soutenir la rébellion, ce qu’ils démentent. Là-bas, des habitants souhaiteraient que la zone de sécurité englobe leur territoire. « On a l’impression que le Rutshuru a été cédé par le gouvernement aux rebelles. C’est comme si on ne faisait plus partie de la RDC », confie un habitant, sous couvert d’anonymat.
« Quand on cherche des solutions à la crise, on n’implique pas Rutshuru alors que nous souffrons depuis un an, estime cet habitant en colère et déçu. Tout est fait pour Goma alors qu’eux n’ont subi la pression des rebelles que quelques jours… » Samedi, le M23 a menacé de reprendre la capitale provinciale, accusant le gouvernement de n’avoir pas respecté l’accord qui avait conditionné son retrait de la ville.
La Monusco, notamment critiquée par la population pour la prise de Goma, l’année dernière, a « intérêt à étendre immédiatement la zone de sécurité et à progresser le plus rapidement possible, sans quoi l’impatience de la population risque de prendre une tournure imprévisible dont les Nations unies partageront la responsabilité », avertit Lucha dans son communiqué. Vendredi matin, des habitants ont manifesté dans la capitale provinciale. Ils ont caillassé des véhicules de la Monusco et brûlé du matériel.
« Nous voulons chasser la Monusco », « Qu’elle parte », ont lancé des motards, tandis que d’autres manifestants demandaient l’extension de la zone de sécurité. Le calme est revenu quand le colonel Mamadou Ndala – louangé pour les récentes victoires de l’armée -, a appelé la population à ne plus s’en prendre à la Monusco. Des responsables de la société civile de Goma menacent de mener des « actions de grande envergure » pour « libérer » les civils en zone rebelle.
Par RFI