RDC: des dirigeants africains en sommet à Kampala, sans Paul Kagame

Des dirigeants africains se réunissent samedi en sommet à Kampala, en l’absence du président rwandais Paul Kagame, pour tenter de résoudre le conflit dans l’est de la RDC, où des rebelles viennent de s’emparer de cibles stratégiques, faisant craindre une propagation du conflit. Le président de la RD Congo, Joseph Kabila, est arrivé samedi matin au centre touristique de Munyonyo, près deKampala, où la réunion doit débuter en début d’après-midi. Son homologue rwandais, Paul Kagame, quant à lui, n’a pas fait le déplacement dans la capitale ougandaise.

Des responsables ougandais avaient assuré auparavant que MM. Kagame et Kabila devaient y assister, sinon le sommet serait « inutile ».

« Kagame ne vient pas », a déclaré samedi à l’AFP un haut responsable du ministère ougandais des Affaires étrangères, James Mugume, qui a précisé que le chef de l’État rwandais serait représenté par sa ministre des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabo.

Le gouvernement de Kigali est accusé par les Nations unies de soutenir le mouvement rebelle du M23 qui a pris mardi la ville de Goma et des objectifs stratégiques dans l’est de la RDC (riche en ressources minières et frontalier du Rwanda). Ces accusations ont toujours été rejetées par le gouvernement rwandais.

Des experts de l’ONU ont également accusé l’Ouganda de soutenir militairement cette rébellion, ce queKampalaa démenti catégoriquement.

Joseph Kabila et Paul Kagame se sont rencontrés mardi et mercredi à Kampala avec le président ougandais Yoweri Museveni, quelques heures après la chute de la ville stratégique de Goma (capitale du Nord-Kivu dans l’est de la RDC, frontalier du Rwanda) aux mains des rebelles, et ont publié un communiqué commun demandant au M23 de mettre fin à son avancée et de se retirer de Goma.

Une délégation du M23 se trouve aussi àKampala, mais pas dans le centre où se doit se tenir le sommet. Des représentants des rebelles devraient avoir des discussions séparées samedi après-midi avec le président ougandais.

Les chefs d’Etats présents àKampaladoivent discuter d’un plan que leurs chefs d’état-major ont discuté durant la nuit de vendredi à samedi et destiné à mettre en oeuvre un retrait du M23 de Goma, a déclaré devant des journalistes avant l’ouverture du sommet le ministre ougandais des Affaires étrangères, Sam Kutesa.

« Nous travaillons sur un plan (…) pour parvenir à leur retrait (des rebelles) », a-t-il ajouté sans toutefois donner davantage de précisions.

M. Kutesa a par ailleurs appelé les forces armées de la RD Congo à stopper leurs attaques contre le M23 afin de faciliter la mise en oeuvre d’un plan de paix.

Le M23 a refusé de se retirer de Goma, réclamant des négociations de paix directes avec le président Kabila.

Les présidents Mwai Kibaki du Kenya et son homologue tanzanien Jakaya Kikwete doivent également assister au sommet, présidé par le chef de l’Etat ougandais Yoweri Museveni, a indiqué le porte-parole ougandais.

De son côté, le président congolais Denis Sassou Nguesso s’est rendu samedi àKigalipour rencontrer Paul Kagame sur la crise dans l’est de la RD Congo, selon la présidence àBrazzaville.

Il est est parti « pour une visite de travail » et il aura des entretiens avec M. Kagame « au sujet de la stabilité de la région des Grands Lacs », indique un communiqué de la présidence duCongo.

M. Sassou Nguesso est accompagné par son ministre des Affaires étrangères Basile Ikouebé et son conseiller à la paix et à la sécurité en Afrique, le général Jean-Marie Michel Mokoko, selon la présidence congolaise.

Lors du sommet de la Francophonie à Kinshasa mi-octobre, M. Sassou Nguesso avait rencontré les responsables de l’opposition et le président du Sénat en RDC Léon Kengo Wa Dondo, qui lui avaient demandé de s’impliquer dans la résolution des crises que connaît ce pays qui partage une longue frontière avec le Congo-Brazzaville.

Les rebelles du M23 imposent leur loi sur Goma et Sake

Après avoir pris Goma, la capitale du Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, les rebelles du M23 ont continué d’avancer. Vendredi soir, ils ont conquis Saké après plusieurs heures de combats violents. La ville s’est vidée en quelques heures, les habitants fuyant les tirs et les bombardements.

Dimanche matin, sur la route entre Goma et Sake, toujours ces longues files de femmes, lourdement chargées. Un bébé, des sacs de nourriture sur le dos, elles avancent. Des minibus remplis de déplacés, des matelas attachés à l’arrière, les doublent en klaxonnant bruyamment. Les enfants sont mis à contribution, certains tiennent des chèvres en laisse, d’autres portent leurs cadets. Après avoir dû quitter Saké en urgence, les habitants commencent à revenir. Une jeune femme, une casserole remplie de riz sur la tête est suivie de deux jeunes enfants. «On nous a dit que la situation s’était calmée, alors on rentre. La vie dans le camp est trop difficile. Un peu plus loin sur la route, les soldats rebelles du M23 ont rétabli le poste de douane afin de taxer les camions de marchandises qui entrent et qui sortent de Goma.

Jean-Claude, au volant de sa voiture, n’a pas de carte d’électeur pour témoigner de son identité, alors le douanier s’énerve. «Les bonnes habitudes reviennent vite», ironise le jeune homme. Après deux jours de no man’s land, la vie reprend son cours, presque normal.

Sake, un verrou statégique pour le M23

La ville de Saké est stratégique. C’est de là que partent deux axes importants: l’un, au sud, mène à Bukavu, la capitale du Sud-Kivu et l’autre à l’ouest vers le Masisi, une des zones où se déroulent actuellement les combats. «Quand ils sont partis, les FARDC (les Forces armées de la République démocratique du Congo) ont tout pillé sur leur chemin, ils ont tout pris. Il ne nous reste plus rien, même pas un matelas ou une casserole», raconte une femme tout de jaune vêtue. Elle veut nous montrer sa maison, ou plutôt ce qu’il en reste et les photos de ses enfants blessés lors des combats. Elle vient du quartier de Birere, devenu un champ de batailles. Plusieurs maisons ont été détruites dans les combats. Les cicatrices sont profondes et certains trous d’obus témoignent encore de ces violences. «Je n’ai plus rien et nulle part ailleurs où aller, alors je vais attendre. Mes voisins m’aident, pour le moment ça va».

Un homme intervient et lui coupe la parole. «Ce n’était pas la sécurité avant, les FARDC volaient tout ce qu’ils voulaient, on avait tout le temps peur pour nos biens et nos familles», assure-t-il. Personne n’est plus là pour le contredire. Des soldats du M23 patrouillent dans la ville, fusil à la main. À côté d’eux, les femmes installent leurs petits étals de nourriture à vendre sur le marché. Elles déplient de grands tissus remplis de beignets ou de légumes. Les enfants préparent leurs cartables, les écoles rouvrent peu à peu leurs portes. Les représentants du M23 n’ont de cesse de répéter qu’ils vont restaurer la paix dans la région. Les habitants de Saké, du moins ceux qui sont revenus, veulent y croire.