RDC: après la prise de Goma, le M23 consolide son emprise, Kabila constraint de négocier rencontre Kagame à Kampala

Les rebelles du M23, condamnés par l’ONU, consolidaient mercredi leur emprise sur Goma, au lendemain de la prise quasiment sans combat de la ville stratégique de l’est de la RDC, tandis qu’à Kampala les présidents congolais et rwandais cherchaient une issue à la profonde crise qui secoue l’ex-Zaïre.

Le président de la RDC Joseph Kabila a rencontré deux heures dans la nuit son homologue Paul Kagamé, le président du Rwanda voisin, un pays accusé par Kinshasa et les Nations unies d’appuyer les rebelles. Ils ont ensuite rencontré leur hôte ougandais Yoweri Museveni, dont le pays est lui aussi mis en cause par des experts de l’ONU.

Dans la capitale du Nord Kivu, les habitants ont repris lentement leurs activités mercredi matin. Dans un message radio mardi soir du porte-parole du M 23, les policiers congolais ont été convoqués dès mercredi dans le stade de la ville afin d’être enregistrés. L’un d’entre eux a expliqué à l’AFP qu’il espérait recevoir un meilleur salaire des nouveaux responsables.
Aucun coup de feu n’a été entendu pendant la nuit. Des soldats du M23 stationnent aux carrefours pendant que d’autres patrouillent le long des principales artères, mais les Casques bleus sont invisibles.

Mardi soir, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité une résolution appelant à des sanctions contre deux chefs du M23, Innocent Kaina et Baudouin Ngaruye.
La résolution, proposée par la France, demande également aux pays étrangers qui soutiennent le M23 de mettre fin à leur soutien aux rebelles. Les Etats-Unis, longtemps alliés du Rwanda dans la région, ont eux condamné « la violation de la souveraineté de la RDC » et appelé Kigali à « amener le M23 à se retirer et faire en sorte qu’il ne bénéficie plus de soutien extérieur ».
Le Rwanda a très vite pris acte de la chute de Goma et demandé au gouvernement congolais de négocier avec les rebelles — une exigence du M23 que Kinshasa a toujours refusée.
Mercredi matin, des manifestations ont eu lieu à Bukavu, capitale régionale voisine du Sud Kivu, pour protester contre la prise de Goma. Des policiers ont été pris à partie ainsi que la Mission des Nations unies pour la stabilisation en RD Congo (Monusco), accusée de n’être pas intervenue pour défendre Goma, vite abandonnée par les forces régulières.

Le mandat des Casques bleus mis en cause

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a mis en cause mardi leur mandat « Déployer 17.000 hommes et fixer un mandat qui ne permet pas d’intervenir, c’est absurde », a-t-il dit. Didier Reynders, le ministre des Affaires étrangères de la Belgique, ancienne puissance coloniale, a lui aussi appelé mercredi à un « renforcement » de l’action trop défensive de l’ONU.
Dans un communiqué la Monusco a affirmé qu’elle restait « engagée » à Goma mettant en garde contre toute atteinte aux droits de l’homme. A New York, l’ONU a affirmé que les rebelles avait enlevé des femmes et des enfants.

Goma avait déjà été occupée à deux reprises en 1996 et 1998 par des rébellions, appuyées par le Rwanda. En 2008, une autre rébellion, menée par Laurent Nkunda, s’était arrêtée aux portes de la ville après avoir défait l’armée.
Les nouveaux combats ont provoqué d’importants mouvements de population, notamment la fuite de déplacés, selon Médecins sans Frontières. « Il y a urgence car cela représente plus de 100.000 déplacés, sans aucun abri, sans accès à l’eau, sans aucune nourriture et une partie d’entre eux sont porteurs de choléra », a souligné Marcela Allheimen, responsable de MSF à Paris.

La crise a des retentissements internes en RDC. Le gouvernement a « certes perdu la bataille mais pas la guerre », a déclaré mercredi matin le Premier ministre Augustin Matata Ponyio,. Mais l’opposition congolaise a estimé que le président Kabila était responsable et a appelé à un congrès pour examiner la situation.
Le M23 a été créé début mai par des militaires, qui, après avoir participé à la rébellion de Laurent Nkunda, ont intégré l’armée congolaise en 2009, à la suite d’un accord de paix. Ils se sont mutinés en avril, arguant que Kinshasa n’avait pas respecté ses engagements. Ils refusent notamment d’être mutés dans d’autres régions, ce qui les éloignerait de leur zone d’influence dans l’est.

Les provinces des Nord et Sud-Kivu sont le théâtre de conflits quasiment ininterrompus depuis le début des années 1990, en raison de leurs richesses en ressources minières et agricoles, que se disputent le gouvernement congolais, divers mouvements rebelles et les pays voisins, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi.

Après la prise de Goma par le M23, mardi 20 novembre, suivez l’évolution de la situation en direct ce mercredi 21 novembre 2012.

Hier soir, le président congolais Joseph Kabila a rencontré son homologue rwandais à Kampala lors d’une réunion de deux heures en présence du chef de l’Etat ougandais Yoweri Museveni. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes de RDC.

Les horaires sont donnés en temps universel (TU)

13h44 : Jointe par RFI, la chef du bureau de la Monusco à Goma confirme la prise de la localité de Sake par les rebelles du M23.

13h22 : Lors de son allocution de ce matin au stade du volcan à Goma, le porte-parole du M23, Vianney Kazarama, a exigé le départ du président congolais : « Monsieur Kabila doit quitter le pouvoir parce qu’il n’a pas remporté les élections de l’année dernière. »

13h02 : Le Premier ministre de la RDC, Augustin Matata Ponyo, a fait une déclaration ce matin à la primature. Après avoir accusé le Rwanda de soutenir le M23, Matata Ponyo a affirmé la solidarité du gouvernement aux populations du Nord-Kivu. Pour le Premier ministre congolais, l’issue de la guerre est à l’avantage du gouvernement.

Augustin Matata Ponyo, Premier ministre de la RDC
Nous avons certes perdu la bataille mais pas la guerre. La victoire nous appartient.

Le porte-parole du M23, Vianney Kazarama, s’adresse à la foule depuis le stade de Goma, le 21 novembre 2012.
REUTERS/James Akena (DEMOCRATIC REPUBLIC OF CONGO

12h39 : Quelques précisions sur la réunion tripartite entre Kabila, Kagame et Museveni. Pas de protocole ni de dispositif particulier pour cette rencontre dans la résidence du président ougandais à Entebbe. Arrivés hier en fin d’après-midi dans la capitale ougandaise, les deux chefs d’Etat avaient déjà été reçus l’un après l’autre par Yoweri Museveni avant un premier tête-à-tête tard dans la nuit dans un grand hôtel de Kampala, au bord du lac victoria.
Selon nos informations, le président ougandais est en relation constante avec les dirigeants du M23, et c’est lui qui aurait fortement incité le mouvement rebelle à élaborer une plate-forme de discussions. Yoweri Museveni a, ces derniers mois, fait discrètement de nombreux voyages à Kinshasa, porteur d’un mémorandum du M23 toujours rejeté par le chef de l’état congolais, Joseph Kabila. C’est ce document qui serait aujourd’hui à l’ordre du jour. Mais sans la participation des principaux concernés : les dirigeants du M23.

12h28 : Les habitants de Goma ont commencé à ressortir ce matin. Certains se sont rendus au rassemblement organisé par le M23 au stade du volcan. Le mouvement avait appelé les forces régulières encore présentes dans la ville à venir s’enregistrer, et le stade était « plein à craquer » selon un participant. Des témoins nous affirment être « curieux » de voir qui sont les nouveaux maîtres de la ville. Les mutins sont visibles sur les grands axes, notamment aux carrefours.

12h20 : Toujours à Goma, certains habitants nous disent aussi avoir vu des cadavres ce matin, conséquences des combats de ces derniers jours. Un corps de militaire, par exemple, au rond-point des banques, et un autre de civil près de l’institut supérieur de commerce. D’autres corps seraient également abandonnés sur la route de Sake.

12h00 : Pas de tirs, pas de coups de feu, la situation est calme ce matin à Goma même si l’activité ne reprend que très timidement. Quelques boutiques ont rouvert, notamment en périphérie de la ville, essentiellement des pharmacies et des magasins d’alimentation, nous dit-on. Les conditions de vie sont néanmoins très précaires puisqu’il n’y a pas d’eau ni d’électricité. La ligne à haute tension a été semble-t-il touchée par des obus lors des affrontements et pour alimenter les générateurs, ça n’est pas simple : seulement deux stations essence sont ouvertes.

11h45 : Le M23 affirme qu’il poursuit sa route vers le Sud et qu’il a pris ce matin la localité de Sake, à 25 kilomètres de Goma, où s’étaient retirés hier des éléments de l’armée congolaise. Une information confirmée par un témoin joint par téléphone, qui dit avoir vu les hommes du M23 rentrer dans Sake sans rencontrer de résistance.

Vianney Kazarama, porte-parole du M23
Nous sommes en train d’avancer, et la population de Bukavu nous invite à venir libérer la ville.

11h30 : Après une première rencontre mardi soir, Joseph Kabila, Paul Kagame et Yoweri Museveni, respectivement présidents de la RDC, du Rwanda et de l’Ouganda, sont réunis en ce moment même. Cette fois-ci, la réunion a lieu à Entebbe, à une trentaine de kilomètres de Kampala, dans la résidence du chef de l’Etat ougandais.

09h30 : Le ministre des Affaires étrangères belge, Didier Reynders, appelle à un « renforcement » de l’action de la mission de l’ONU face à l’avancée des rebelles du M23 dans l’est du pays, sur la radio publique RTBF. « Il faut renforcer ce mandat, a-t-il précisé. Je l’ai demandé au niveau européen et la France va porter ce message aux Nations unies. »

08h53 : Un communiqué affirme que « la Monusco reste engagée » à Goma et que les Nations unies « mettent en garde ceux qui seraient tentés de commettre de graves violations des droits de l’homme ou de porter atteinte au droit international humanitaire ».

Mardi soir, les présidents de la RDC, Joseph Kabila, et du Rwanda, Paul Kagame, se sont rencontrés durant deux heures à Kampala (Ouganda).