Kampala : les négociateurs du M23 et de Kinshasa jouent la prolongation

m23-kampalaInitialement, les négociations entre les autorités congolaises et les rebelles du M23 devaient s’achever le lundi dernier. Mais ce chronogramme de départ se trouve modifié de facto. Parce que malgré toute la détermination de la médiation ougandaise, les différentes parties ont passé l’essentiel du temps qui était destiné aux pourparlers réels, à débattre des principes devant régir le processus de dialogue.

Ce n’est que le même lundi qu’ils se sont relativement entendus sur l’ordre du jour et le règlement intérieur. Conséquence, pour donner une chance à la paix, les négociateurs devront faire montre de sacrifice jusqu’au 31 décembre prochain. Sur-effort d’autant plus nécessaire que l’attaque perpétrée hier même contre un convoyeur de fonds de la Banque Internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC) à Goma et le vol du million de dollars qui en a résulté sont illustratifs de l’insécurité qui règne toujours dans cette région.

Le point de blocage sur lequel les discussions ont jusqu’ici achoppé à Kampala aura consisté dans la volonté des autorités de Kinshasa de circonscrire les débats autour des revendications se rapportant exclusivement à la violation des accords du 23 mars 2009. Consciente de la complexité et de la délicatesse qu’il y a étendre les débats sur la gouvernance politique du pays dans son ensemble, Kinshasa ne souhaitait surtout pas que le sombre épisode des élections de 2011 revienne au devant de la scène. En face, eux aussi conscients de la force qu’ils incarnent désormais et surtout soucieux d’éviter d’être taxés d’égocentristes, les rebelles du M23, pour leur part, souhaitaient que l’ensemble des problèmes auxquels la RDC est actuellement confronté soient posés à la table de négociation. Devant un antagonisme si marqué, la diplomatie ougandaise au dû puiser des ressources dans le plus profond d’elle-même pour que ce nouvel espoir de retour de la paix dans la région orientale du Congo ne soit pas un autre rendez-vous manqué.

Et ce n’est qu’au tout dernier moment, alors que tout le monde commençait à désespérer que de maigres lueurs se sont manifestées. C’est en effet seulement le lundi qu’un semblant de consensus à commencer à se dégager autour de l’ordre du jour et du règlement intérieur. Ultime ouf de soulagement pour les populations de l’est de la RDC en général et celles du nord-Kivu en particulier. Après les guerres répétitives que cette région a connues de manière quasi-continue depuis une vingtaine d’années ainsi que toutes les conséquences notamment humanitaires qu’elles ont entrainées, ces populations ne rêvent en effet que d’un retour définitif à la paix. Or, avec l’attaque que la BIAC a subie hier, il est évident que ce retour à la normale est encore de l’ordre des vœux pieux.

D’autant que la libération de Mathieu Ngudjolo Chui par la Cour pénale internationale des charges de crimes contre l’humanité et crimes de guerre qui pesaient sur lui peut sonner comme un encouragement tacite aux exactions perpétrées dans ce pays par des seigneurs de guerre de tout acabit. En effet, il est à rappeler que l’ex-chef des combattants Lendu qu’il était avait été accusé d’avoir conduit une attaque contre le village de Bogoro, dans le nord-est de la RDC en février 2003. Cette attaque s’était soldée par le massacre d’au moins 200 personnes. Même si les juges ont invoqué l’incapacité du bureau du procureur à apporter la preuve des accusations qu’il portait contre Mahieu Ngudjolo Chui, cet acquittement pourrait bien être perçu dans le camp des multitudes de rebellions qui peuplent le vaste territoire congolais comme une possibilité de se sortir des griffes de la justice internationale, même quand on a été accusé des pires crimes. De quoi demeurer dans la logique des massacres et des viols !

(Guineeconakry.info 20/12/2012)Boubacar Sanso Barry