Grèce: le chef et les députés du parti néo-nazi arrêtés samedi

La police grecque a arrêté samedi le chef de ce parti d’extrême-droite et plusieurs autres membres de cette formation en lien avec le meurtre d’un rappeur antifasciste.grece-aube doree1

Samedi matin, la police antiterroriste à Athènes était en ébullition. Dix membres du parti ultranationaliste Aube Dorée, ont été arrêtés. Parmi eux, 5 députés dont Ilias Kassidiaris, le porte-parole du parti entré au Parlement grec en juin 2012 et le député Ilias Panagiotaros. Nikos Mihaloliakos, le secrétaire général du parti, a également été arrêté. Dans l’appartement de ce dernier se trouvaient des armes, illégalement détenues, selon les sources proches du dossier. Un autre élu est actuellement recherché. Ce sont près de 32 mandats d’arrêts qui ont été délivrés. Ces arrestations seraient en lien avec le meurtre d’un rappeur antifasciste.

L’arrestation d’un dirigeant de parti politique est une première en Grèce depuis le retour de la démocratie en 1974. Et pour cause, l’immunité parlementaire est de règle, comme dans tous les pays européens. Or le chef d’accusation des autorités serait, selon nos informations, explicite: «flagrant délit de participation active à une organisation criminelle». L’immunité ne s’applique donc pas dans ce cas. «Le gang Aube Dorée» comme le surnomme la police de Grèce, est donc en passe d’être ébranlé.

Les autorités grecques, taxées de passivité voir de complaisance envers les délits perpétrés par Aube Dorée, ont réagi à la suite à l’assassinat le 17 septembre de Pavlos Fyssas, un rappeur de 34 ans. L’homme a été tué à coups de couteau par un membre présumé du parti néonazi.

«Les chefs d’accusation comprendront la moitié du code pénal» estime Theodore Fortsakis, doyen de l’université d’Athènes et professeur de droit. «Il y a là, comme le soulignait le premier ministre, Antonis Samaras, en déclarant vouloir protéger la démocratie, une véritable volonté des autorités d’éradiquer ce parti politique» affirme le professeur Fortsakis avant d’ajouter que «l’opération menée par la police rappelle celle effectuée fin juillet 2002, pour le démantèlement du groupe «17 novembre»». Ce groupe terroriste marxisant revendiquait 23 assassinats, dont des diplomates américains, turcs et britanniques. À l’époque, les services antiterroristes grecs avaient été épaulés par des équipes du FBI et de Scotland Yard.

Classe politique en effervescence

Désormais, quelles peuvent être les conséquences de ces arrestations? Aube Dorée est représentée par 18 députés. La constitution grecque prévoit la possibilité de laisser des sièges vides, en cas de départ d’une formation politique. «Mais la loi de mise en œuvre n’existe pas, il faudrait donc la faire voter au plus vite» reprend Théodore Fortsakis. «Mais l’arrestation des députés doit être validée par la Cour de Cassation et cela risque de prendre du temps. Après il faudra opter pour effectuer des élections partielles, dans les régions où les députés d’Aube Dorée, siègent».

La classe politique est en effervescence, alors que les experts de la troïka, les créanciers publics du pays, sont à Athènes pour inspecter les comptes et les avancées sur le programme de réformes. Yannis Stournaras, le ministre des finances, a déclaré que l’équilibre politique n’était pas en cause, excluant ainsi tout scénario d’élections législatives anticipées.

Samedi à la mi-journée, les militants d’Aube Dorée manifestaient devant le commissariat principal de la police grec.

Vaste campagne d’arrestations au sein du parti néonazi grec

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Le chef historique d’Aube doréeNikos Michaloliakos (à droite), fondateur du parti en 1980 et ses députés au parlement grec

La nouvelle a fait l’effet d’un coup de massue en Grèce. Ce matin, Nikolaos Michaloliakos, le fondateur et chef historique du parti Aube dorée, a été arrêté avec trois autres députés du parti par la police antiterroriste grecque.

Une opération plus vaste visant à arréter 38 autres membres ou députés de ce parti néonazi est toujours en cours, sur le fondement de mandats d’arrêt délivrés par la Cour suprême du pays et qui accusent l’ensemble des personnes recherchées ou déjà arrêtées de « participation à une organisation criminelle », mais aussi de « blanchiment d’argent ». « Des accusations sérieuses qui peuvent entraîner des peines allant jusqu’à l’emprisonnement à vie », explique l’avocat constitutionnaliste Georges Katrougalos.

OMERTA

En réaction, plusieurs centaines de sympathisants néonazis se sont rassemblés devant les locaux de la police judiciaire d’Athènes, où sont détenus Nikolaos Michaloliakos et l’ensemble des autres membres du parti arrêtés. Ce véritable coup de filet a lieu dix jours après le meurtre du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas, tué par un militant néonazi affilié à Aube dorée. L’assassinat de ce jeune homme grec a entraîné de vives réactions sociales qui ont contraint les autorités à s’attaquer pour la première fois à la violence d’Aube dorée, pourtant dénoncée depuis des années par les organisations non gouvernementales.

Des militants du parti néonazi Aube Dorée devant le Parlement à Athènes le 29 mai 2013 (Photo AFP)
Des militants du parti néonazi Aube Dorée devant le Parlement à Athènes le 29 mai 2013 (Photo AFP)

Lire : « Grèce : un rappeur antifasciste tué par un néonazi »

Il est vrai que jusqu’ici, cette violence visait principalement les immigrés et qu’une sorte d’omerta couvrait d’un silence total – politique comme médiatique – les actions du parti, entré au Parlement avec 18 députés lors des élections législatives de juin 2012. C’est donc avec une sorte de stupéfaction que l’on assiste depuis une semaine au grand déballage des crimes et délits supposément commis aux quatre coins du pays par des membres d’Aube dorée.

SOUPÇONS SUR L’ARMÉE ET LA POLICE

L’ensemble des quotidiens grecs ou des chaîne de télé enchaînent les révélations, notamment sur la question des liens des néonazis avec l’armée et la police. Le quotidien de gauche To Vima a ainsi lâché une bombe dans son édition du dimanche 22 septembre, en publiant le témoignage anonyme d’un repenti d’Aube dorée décrivant les cessions nocturnes d’entraînement de membres du parti par des militaires – membres actifs ou non – des commandos de l’armée de terre ou de la marine. Des accusations graves qui ont obligé Dimitris Avramopoulos, ministre de la défense, a diligenter une enquête interne dont les résultats ont été publiés hier soir. Selon le rapport de Michail Kostarakos, chef des armées, « aucun membre actif de l’armée n’a partcipé à l’entraînement de membres d’Aube dorée ».

Dans la police aussi l’onde de choc se fait sentir. Selon le quotidien Kathimerini, un agent des forces motorisées DIAS, une section spéciale de la police, a été arrêté ce matin pour connection avec Aube dorée ; deux autres officiers sont recherchés dans le cadre d’une enquête sur la mort suspecte de cinq immigrés, et deux inspecteurs généraux de la police ont été limogés lundi 23 septembre afin d’assurer « l’objectivité » des enquêtes sur les liens entre la police et Aube dorée.

Hier, vendredi, l’agent responsable au sein des services secrets grecs (EYP) de la surveillance d’Aube dorée a été démis de ses fonctions, officiellement pour « désaccord avec la surveillance en cours ». Il est en fait accusé, selon la presse grecque, de sympathies envers le parti qu’il était censé surveiller.

CATHARSIS COLLECTIVE

Dans une espèce de catharsis collective, la Grèce n’en finit plus de se plonger dans les crimes d’Aube dorée, mais beaucoup redoutent que les procédures pénales n’aboutissent pas. Le maire d’Athènes lui-même est monté au créneau ce matin. « Nous devons absolument terminer ce que nous avons commencé. C’est une organisation criminelle qui a toujours été une organisation criminelle. Nous avons tardé, en tant qu’Etat, à réagir, mais maintenant que nous avons commencé, nous devons nous montrer déterminés », a déclaré Georges Kaminis.

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Nikos Michaloliakos entouré de policiers masqués à la sortie des locaux de la police le 28 septembre 2013 à Athènes /afp.com – Angelos Tzortzinis

Le ministre de l’intérieur et de la protection du citoyen, Nikos Dendias, et le ministre de la justice ont informé ce matin le premier ministre des initiatives légales entreprises pour renforcer les peines liées à la participation à une organisation criminelle et ont aussi introduit l’examen au Parlement de mesures visant à suspendre le financement public du parti Aube dorée.

Le constitutionnaliste George Katrougkalos affirme, lui, que « l’on pouvait s’attaquer à la violence d’Aube dorée depuis des années. L’article 62 de la Constitution prévoit que l’on peut contourner l’obligation d’obtenir l’autorisation du Parlement pour arrêter des députés si un flagrant délit est observé. Dans le même temps, l’article 187 du code pénal stipule que participer à une organisation criminelle constitue un flagrant délit permanent ».

Les députés d’Aube Dorée arrêtés ce matin se sont certes vu retirer leur immunité parlementaire, mais ils restent députés. Et continuent avec leurs collègues encore au Parlement de menacer d’une démission collective, ce qui entraînerait des élections partielles dans 18 cicronscriptions et entraînerait donc une déstabilisation politique du pays.

Le Figaro et Libération