RDC: un front anti-Tshisekedi se dessine en vue de l’élection présidentielle de décembre

RDC: un front anti-Tshisekedi se dessine en vue de l’élection présidentielle de décembre

Vendredi 14 avril, Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Augustin Matata Ponyo et Delly Sesanga, tous candidats putatifs à la fonction suprême, se sont réunis à Lubumbashi. Est-ce le premier pas vers la constitution d’un front commun contre Félix Tshisekedi dans la perspective de la présidentielle de décembre 2023 ?

Vendredi 14 avril, à Lubumbashi, quatre dirigeants de l’opposition congolaise, tous candidats putatifs – Martin Fayulu (Engagement pour la citoyenneté et le développement ou ECiDé), Moïse Katumbi (Ensemble pour la République), Augustin Matata Ponyo (Leadership et gouvernance pour le développement ou LGD) et Delly Sesanga (Envol de la RDC) – ont décidé « d’unir leurs idées et leurs forces ».

Les quatre ambitieux n’envisagent pas de proposer un programme politique commun, encore moins de présenter une candidature unique contre l’actuel chef de l’Etat, mais de « mener des actions communes en vue d’obtenir l’organisation, dans les délais constitutionnels, des élections transparentes, impartiales, inclusives et apaisées ».

« Est-ce une plate-forme au sens d’une coalition politique ? C’est trop tôt pour le dire », souligne un participant à la rencontre, pour qui la prochaine étape sera sans doute « l’ouverture à d’autres forces politiques et aux acteurs de la société civile ». Comme première action, les quatre leaders envisagent une manifestation le 13 mai à Kinshasa afin d’exiger un processus électoral transparent et équitable.

Si elle répond à des revendications partagées, la réunion de ces quatre figures de l’opposition n’avait pourtant rien d’évident. La présidentielle de 2018 a laissé de profondes cicatrices. Moïse Katumbi et Martin Fayulu s’étaient alors placés sous la même bannière, une plate-forme politique concurrente à celle de Félix Tshisekedi, avant d’emprunter des voies opposées.

Par intérêt réciproque

Bien que contestant la victoire de l’actuel chef de l’Etat, Moïse Katumbi avait tout d’abord rejoint la nouvelle mouvance présidentielle, l’aidant à rompre son alliance avec son prédécesseur, Joseph Kabila. Puis, il avait pris ses distances. Martin Fayulu, qui n’a jamais cessé de revendiquer la victoire à l’élection présidentielle de 2018, n’avait alors pas de mots assez durs pour condamner M. Katumbi.

A huit mois d’un nouveau scrutin, les deux hommes seraient donc mieux disposés, au moins par intérêt réciproque. « Nous devons oublier le passé. Nous devons voir l’avenir, voir la souffrance de la population. Si nous sommes ici, ce n’est pas pour nous », jure Moïse Katumbi. « Nous devons tuer le moi qui est en nous. Si nous renaissons, nous allons bâtir un Congo réellement libre, fort et prospère », répond en écho Martin Fayulu.

A leur côté, le député Delly Sesanga, surnommé par certains « le nouveau Fayulu » pour ses talents oratoires et sa combativité, tente de se construire une stature nationale. « Depuis quelque temps, le régime nous a habitués à gouverner ce pays dans le mépris des lois, dans le non-respect des procédures », dénonçait à Lubumbashi l’avocat et député de la circonscription de Luiza dans le Kasaï-Central, un fief du chef de l’Etat.

Le cas de Joseph Kabila

Delly Sesanga, Moïse Katumbi et Martin Fayulu ont, tous les trois, porté les couleurs de la coalition Lamuka, qui soutenait en 2018 la candidature du dernier cité. Le quatrième homme, Augustin Matata Ponyo, est en revanche un nouveau venu dans l’opposition. Considéré comme un dauphin potentiel de Joseph Kabila après avoir été son premier ministre pendant quatre ans, il a finalement rompu avec la famille politique de l’ancien président. Désormais à la tête de son propre parti, cet économiste de 58 ans affiche sans timidité son ambition présidentielle. Comme ses trois nouveaux « alliés ».

Et ils ne sont pas seuls. En RDC, déjà une dizaine de personnalités ont fait part de leur ambition. Sans compter ceux auxquels on en prête l’intention, comme Denis Mukwege. Le gynécologue, militant des droits humains et Prix Nobel de la paix 2018, est une personnalité publique respectée localement et admirée en Europe et aux Etats-Unis. Avec les opposants qui viennent le consulter, celui-ci partage les mêmes inquiétudes sur le processus électoral. « [Denis] Mukwege est un acteur de la société civile, il tient à le demeurer », assure un membre de son entourage pour couper court à ses supposées ambitions.

Enfin, l’hypothèse d’un front anti-Tshisekedi serait incomplète sans évoquer le cas de Joseph Kabila. Sa formation politique, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), n’était pas à Lubumbashi. L’ancien président ne participe pas à la campagne d’enrôlement des électeurs et suit une voie qui s’apparente aujourd’hui à un boycott du scrutin.

(Avec Le MondeAfrique: correspondance de Patient Ligodi, Kinshasa)

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