RDC: le général Kényan Jeff Nyagah, commandant de la force régionale de l’EAC, a démissionné

Le général Jeff Nyagah, patron de la force régionale de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EACRF) déployée dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) a démissionné. Il dénonce des pressions politiques et invoque une « menace » à sa sécurité et des « campagnes » de dénigrement contre sa mission.
La force régionale est-africaine n’a plus de commandant. Cette force mandatée par la Communauté de l’Afrique de l’Est (EACRF), composée de soldats kényans, ougandais, burundais et sud-soudanais, a été déployée graduellement depuis novembre en réponse à une avancée des rebelles du M23 dans l’est instable de la RDC, en proie aux groupes armés depuis près de 30 ans.
Dans une lettre au secrétaire général de l’EAC datée du 27 avril, le général kényan Jeff Nyagah explique renoncer à sa mission notamment « en raison d’une menace aggravée pour (sa) sécurité ». « Il y a eu une tentative d’intimidation (…) dans mon ancienne résidence en déployant des sous-traitants militaires étrangers (mercenaires) qui ont placé des dispositifs de surveillance, fait voler des drones et mené une surveillance physique à ma résidence début janvier 2023, me forçant à déménager », affirme-t-il.
De fausses accusations dénoncées
Le général Nyagah dénonce également une « campagne médiatique négative bien orchestrée et financée » contre lui et « de fausses accusations écrites sur la complaisance de l’EACRF » face aux rebelles du M23. Il doit être remplacé par le général kényan Alphaxard Muthuri Kiugu, selon un redéploiement d’effectifs annoncé le 28 avril par l’armée kényane.
Une démission prévisible
Dès le départ, il y avait eu des frictions entre la force régionale que dirigeait Jeff Nyagah et les autorités congolaises. Un conflit sur le mandat de l’EAC notamment à propos de la nécessité de combattre le M23.
« La RDC attendait qu’elle soit plutôt une force combattante. Il y avait des conditions pour lesquelles ils combattraient le M23. Dès le départ, l’idée était d’essayer de convaincre que tout le monde puisse rejoindre le processus de paix et les récalcitrants vont subir la force. Mais le problème est qu’ils n’ont pas dit quand est-ce qu’on évalue qu’il est maintenant temps de passer à l’étape supérieure ? Et pour le gouvernement congolais, on est déjà à cette étape-là, étant donné que le M23 n’a pas respecté le cessez le feu ni le retrait. Mais la force régionale ne voit pas les choses de cette manière-là », explique Reagan Miviri, chercheur à l’Institut Ebuteli.
La frustration de Kinshasa
Les autorités congolaises ont voulu que le poste de patron de la force régionale devienne rotatif, avec un changement de commandant tous les trois mois. Cette frustration fait aussi que les statuts de la force régionale, qui ont expiré depuis fin mars, n’ont toujours pas été renouvelés par Kinshasa. Cela devait faire l’objet de discussions lors d’une réunion des ministres de la Défense de la région prévue à Goma, mi-avril, mais cette rencontre a finalement été annulée.
Pour Jean-Jacques Wondo, spécialiste des questions de défense et sécurité, « cette démission pourrait peut-être pousser les deux camps à se mettre autour d’une table pour renégocier. Parce que l’objectif des autorités congolaises, c’est pouvoir renégocier non seulement le mandat de cette force, mais la durée de sa mission. La réunion de la semaine passée a été reportée. Et au fil du temps, on se rend compte que l’on tourne un peu en bourrique les autorités congolaises. »
En attendant, le général Jeff Nyagah doit être remplacé par un autre général kényan, Alphaxard Muthuri Kiugu, selon un redéploiement d’effectifs annoncé vendredi (28.04) par l’armée kényane.
L’EACRF avait été déployée face à une avancée des rebelles du M23 (« Mouvement du 23 mars »), rébellion majoritairement tutsi, soutenue par le Rwanda selon des experts de l’ONU, qui a repris les armes en novembre 2021 après 10 ans de sommeil. Plus de 1,1 million de personnes ont fui la zone, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha).

Le mandat de cette force régionale a été perçu localement dans un premier temps comme « offensif », mais les pays contributeurs ont ensuite souligné qu’elle était une force « neutre » qui ne venait pas pour combattre les rebelles. Le M23 s’est depuis retiré de certains villages mais reste présent dans d’autres, y compris là où se trouve l’EACRF, qui se retrouve accusée de passivité, voire de complicité avec les rebelles.
(Avec Agences)