Joseph Kabila peine à justifier la présence révélée de soldats rwandais sur le sol congolais
La République démocratique du Congo (RDC) a du mal à justifier la présence de plusieurs centaines de soldats rwandais sur son sol, dont l’existence a soudainement été révélée au grand public il y a une semaine.
L’affaire commence à devenir embarrassante pour Kinshasa. Il y a une semaine, des forces spéciales rwandaises quittaient officiellement l’est de la RDC, où elles collaboraient discrètement avec l’armée congolaise. Depuis ce départ, les autorités congolaises ont bien du mal à justifier la présence sur son sol de soldats rwandais, alimentant au passage rumeurs et théories du complot.
Kinshasa, dont les troupes ne parviennent pas à regagner du terrain face à la rébellion du M23 dans l’est, ont récemment à nouveau accusé le Rwanda de soutenir ces rebelles. Des accusations démenties jeudi par Kigali qui parle de « mauvaise foi » de Kinshasa.
L’annonce, le 31 août, du retour des quelque 300 soldats rwandais a semé le trouble en RDC. Les deux voisins se sont accordés pour affirmer que ces soldats rwandais opéraient, au côté de militaires congolais, au sein d’un bataillon mixte déployé dans la province congolaise du Nord-Kivu (est). Ce déploiement avait été décidé dans la foulée d’une opération militaire conjointe de 2009 destinée à combattre la rébellion hutu des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont des éléments ont participé au génocide rwandais de 1994.
Selon Kinshasa, une centaine de soldats rwandais tout au plus aurait dû participer à cette opération et regagner leur pays, alors que Kigali parle de 357 hommes.
Une aide au M23?
Lundi, le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, a enfoncé le clou, dénonçant une « invasion » : « L’armée rwandaise a profité du retrait de ses officiers de renseignement (…) pour exfiltrer quelques-uns de ses éléments », a-t-il dit, accusant ces soldats rwandais d’être entrés en RDC pour « attaquer » les FARDC (Forces armées de la RDC) avec le « groupe pro-rwandais M23 ».
Kigali, déjà mis en cause dans un rapport de l’ONU pour son soutien au M23, a rétorqué jeudi. « Les accusations de Kinshasa, on vit avec depuis 4 mois, et encore une fois, c’est une preuve de la mauvaise foi de nos voisins », a déclaré à la chaîne France24 Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise des Affaires étrangères. « D’abord parce que les autorités congolaises sont dans cette psychose de toujours trouver le voisin coupable. Ce n’est jamais les Congolais. Quand il y a un problème au Congo, si ce n’est pas le Rwanda, c’est le Congo-Brazzaville, c’est l’Ouganda. Cela, c’est le vrai problème du Congo », a-t-elle ajouté.
En RDC, l’annonce du départ des soldats rwandais provoque aussi des tensions. Une coalition d’opposants, qui se dit surprise de la présence de telles troupes, a « recommandé » au parlement d’enclencher une « mise en accusation » du président Joseph Kabila pour « haute trahison » pour sa gestion de de la crise dans l’est.
« Intoxication »
À son tour, le pouvoir a allumé un contre-feu, évoquant mercredi un soupçon de « haute trahison » à l’encontre de l’opposant et ex-ministre Roger Lumbala, réfugié à l’ambassade d’Afrique du Sud à Bujumbura pour ne pas rentrer en RDC, où le gouvernement trouve suspects des voyages répétés qu’il aurait effectués au Rwanda.
Dans le même temps, sur le terrain, l’armée congolaise piétine, voire recule. Les derniers combats signalés entre les FARDC et le M23, qui s’affrontent depuis le mois de mai, remontent aux 22 et 25 août. Bilan des affrontements : 19 combattants tués, dont 17 chez les dissidents, selon la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco). Depuis, c’est quasiment le statu quo entre les deux ennemis.
Selon un responsable militaire congolais, quand les forces rwandaises ont quitté leurs positions, « une coalition de (miliciens locaux) Maï Maï et de FDLR ont quitté la brousse pour occuper » cette position, à Kisegeru. « Lundi, le M23 les a délogés pour occuper Kiseguru » et d’autres localités, a indiqué ce responsable.
Pour la Société civile du Nord-Kivu, cela « prouve à suffisance qu’il n’y a eu que simple relève » des forces rwandaises. Un analyste politique régional, qui était sur le terrain, rejette les théories du complot, tout en livrant une explication : « Parmi les FARDC et le M23, il y a des gens qui parlent kinyarwanda », langue nationale du Rwanda qui est, selon lui, aussi parlée dans la région. « De là à conclure que ce sont les militaires rwandais qui sont là, c’est de l’intoxication ».
Jeuneafrique.com (Avec AFP)