En RDC, l’impossible cessez-le-feu souligne l’impasse diplomatique

Les affrontements se poursuivent dans le Nord-Kivu entre l’armée congolaise et les rebelles du Mouvement du 23 mars, alors que le Conseil de sécurité de l’ONU vient d’achever une visite à Goma, la capitale régionale.
Le constat d’échec est sans appel. Alors que les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) s’étaient engagés à stopper les hostilités le 7 mars, les combats n’ont pas cessé. Ils se sont même intensifiés dans la province du Nord-Kivu. Samedi 11 mars, l’un des porte-parole de l’armée congolaise, le lieutenant-colonel Guillaume Njiké Kaiko, a accusé le M23 d’avoir « pilonné au mortier l’agglomération de Saké », une cité située à une trentaine de kilomètres de Goma, l’une des plus grandes villes de l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
« Notre organisation a honoré son engagement », s’est défendu, le même jour dans un communiqué, l’un des responsables du M23, Lawrence Kanyuka, reprochant à son tour aux Forces armées de la RDC (FARDC) d’avoir attaqué leurs positions et ainsi violé le cessez-le-feu. Mardi 7 et mercredi 8 mars, les insurgés ont pourtant conquis au moins deux nouveaux villages selon le Baromètre sécuritaire du Kivu (qui cartographie les conflits armés dans la région). Karuba et Ruchika, dans le territoire du Masisi, viennent ainsi allonger la longue liste des localités déjà sous occupation du M23.
Pour bloquer l’expansion des rebelles, plusieurs médiations ont été lancées, notamment par le Kenya et l’Angola. Au moins trois cessez-le-feu ont déjà été décrétés depuis la résurgence du groupe armé fin 2021, dix ans après sa défaite face à l’armée congolaise en 2013. Mais aucun d’entre eux n’a été respecté. Le dernier en date a pourtant été négocié directement entre Joao Lourenço, le chef de l’Etat angolais qui est médiateur mandaté par l’Union africaine (UA), et le M23. Une première.
Le nombre de militaires ne cesse de se multiplier
Mais cette énième tentative diplomatique ne convainc pas Kinshasa. « Je demande à voir », avait déclaré Félix Tshisekedi samedi 4 mars, quatre jours avant l’entrée en vigueur officielle du cessez-le-feu. Le président congolais disait « accepte[r] de donner une chance à la paix ». Il considère toutefois qu’un dialogue avec les rebelles, qualifiés de « terroristes », est une ligne rouge qu’il refuse de franchir malgré les pressions internationales.
« A tout moment, il faut négocier. A tout moment, la diplomatie doit prévaloir », a insisté dimanche 12 mars, Michel Xavier Biang, représentant du Gabon aux Nations unies, lors d’une visite du Conseil de sécurité de l’ONU à Goma, la capitale régionale. « La réponse doit être avant tout politique », a renchéri son homologue français, Nicolas de Rivière.
Pourtant, l’impasse se poursuit, alors que le nombre d’hommes armés sur le terrain, y compris des contingents étrangers, continue de croître. Luanda vient ainsi d’annoncer l’envoi, prochain, d’une unité dont « l’objectif principal [sera] de sécuriser les zones où sont stationnés les membres du M23 » dans l’est du pays « et de protéger » l’équipe chargée de surveiller le respect du cessez-le-feu, a précisé la présidence angolaise.
Ces soldats viendront s’ajouter aux centaines de Kényans déployés par la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (EAC) à Kibumba et Rumangabo, deux localités desquelles le M23 a accepté de se retirer, et à la centaine de Burundais envoyée début mars à Saké, où s’affrontent FARDC et rebelles depuis plusieurs semaines. Des Ougandais et des Sud-Soudanais devraient également renforcer les rangs de la force de l’EAC même si, pour ces deux pays, aucun calendrier n’a encore été officialisé. Sans oublier les milliers de casques bleus de la mission des Nations unies en RDC (Monusco) chargés de protéger les populations civiles.
« Incursions de l’armée rwandaise dans le Nord-Kivu »
Le mandat des contingents est-africains est « offensif », assurait Christophe Lutundula, le ministre des affaires étrangères congolais, au moment des premiers déploiements. Aucun d’entre eux n’a toutefois ouvert le feu contre le M23, soutenu, selon Kinshasa et l’ONU, par le Rwanda, lui aussi membre de la Communauté d’Afrique de l’Est.
« Il n’est plus à démontrer qu’il y a des incursions de l’armée rwandaise dans le Nord-Kivu », a déclaré dimanche l’ambassadeur Nicolas de Rivière. « Il faut que cette crise sécuritaire et humanitaire cesse », a conclu Nicolas de Rivière. Quelques jours auparavant, alors en visite à Kinshasa, Emmanuel Macron avait évité d’indexer clairement Kigali.
La première livraison d’aide humanitaire, constituée de matériels médicaux et d’abris d’urgence, est arrivée vendredi à Goma grâce au pont aérien mis en place par la France et l’Union européenne (UE). Pour le seul mois de février, près de 300 000 personnes ont fui leurs villages du Nord-Kivu, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
(Avec Le Monde Afrique)