Angola: le président José Eduardo dos Santos confirme son départ du pouvoir
Le président angolais José Eduardo dos Santos, l’un des plus anciens dirigeants africains, a confirmé vendredi 3 février, la fin de son règne sans partage de trente-sept ans sur l’Angola en annonçant qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat aux élections générales d’août. Conformément au scénario qui avait filtré en décembre 2016, c’est un de ses fidèles, l’actuel ministre de la défense, Joao Lourenço, qui a été choisi pour lui succéder. Décryptage de cette transition.
Fin de règne en Angola. Le président José Eduardo dos Santos, 74 ans dont 37 au pouvoir, a confirmé vendredi 3 février qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat aux élections générales prévues en août prochain. Conformément au scénario qui avait filtré l’année dernière, il a officiellement désigné pour lui succéder l’un de ses proches, l’actuel ministre de la Défense Joao Lourenço.
Vice-président du Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA), le parti au pouvoir depuis l’indépendance du pays, en 1975, Joao Lourenço, 62 ans, est un compagnon de longue route du président angolais. Désigné en tête de liste du parti, il sera le nouveau chef de l’État si le MPLA remporte les législatives, conformément à la constitution angolaise. Ni les adversaires d’Eduardo dos Santos, ni les analystes ne s’attendent à de grands bouleversements dans ce pays plongé dans une pauvreté extrême et englué dans une crise économique provoquée par la chute des prix du pétrole. Mais Joao Lourenço fait figure de modéré. Le docteur Alex Vines, responsable du programme Afrique au centre de réflexion britannique Chatham House, analyse pour France 24 ces changements.
Son héritage principal sera d’avoir permis, en 2002, la fin de la guerre civile, qui a duré 30 ans. Depuis, le pays est en paix et unifié, ce qu’il n’a pas été depuis longtemps, car il y avait déjà des combats pendant la période coloniale [du Portugal, jusqu’à 1975]. C’est sa plus grande œuvre. Mais depuis la fin de la guerre, les inégalités sont allées croissant. Il n’a pas été capable de diversifier l’économie, qui dépend à 97 % du pétrole. C’est l’une des économies mondiales qui dépend le plus de l’or noir… Le gouvernement a fait de bons discours sur la diversification, mais les réformes promises se sont évaporées à chaque fois que les cours du pétrole augmentaient. Pendant ce temps, la pauvreté s’accroît et beaucoup d’Angolais seront heureux qu’il ait décidé de ne pas se représenter.
Le bilan sur les droits de l’Homme est mitigé. Les gens ne disparaissent pas en Angola, contrairement à d’autres régimes comme la Guinée équatoriale ou l’Érythrée. Mais d’un autre côté, l’espace de protestation et la liberté d’expression sont limités, et il y a des intimidations. Le gouvernement a beaucoup de pouvoir entre les mains, et il l’a prouvé ces 30 dernières années avec de nombreux emprisonnements. On en a un récent exemple avec l’incarcération, puis la libération de l’opposant et rappeur Luaty Beirao.
Joao Lourenço est un proche de José Eduardo dos Santos et un ténor du MPLA. Mais il semble jouir d’une réputation de modéré. Sa désignation augure-t-elle de changements dans le pays ?
Dos Santos et Lourenço sont issus de la même génération. Il y a 15 ans, Lourenço a montré des velléités de pouvoir, et Dos Santos l’en a empêché. Mais il lui fait confiance à présent. À ma connaissance, Lourenço ne traîne pas d’affaires de corruption derrière lui. Il pourra apporter des idées neuves, ce dont l’Angola a besoin. Dans certains domaines, les choses s’amélioreront, mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’il soit rapidement un grand démocrate. Il y aura, en revanche, une mainmise moins importante du président sur le parti, qui sera fort à nouveau, sur le modèle de la Namibie, de l’Afrique du Sud ou du Mozambique.
Mais encore une fois, il n’y aura pas de changements rapides. C’est ce qu’on appelle le « gradualismo » en Angola, une progression par courtes étapes, et c’est ce qui est en train de se passer. On va aussi assister à un rajeunissement au sein du MPLA, ce qui est positif.
À 74 ans, José Eduardo dos Santos est plus jeune que plusieurs chefs d’États africains (Robert Mugabe, Alassane Ouattara, Paul Biya…), et les rumeurs sur sa maladie sont systématiquement démenties par le MPLA. Peut-on s’attendre à un changement d’avis brusque, comme l’a fait Yahya Jammeh en Gambie l’année dernière ?
Après le discours [de vendredi], on peut être sûr qu’il va se retirer et ne sera plus président. Mais il faut garder à l’esprit qu’il va rester président du MPLA. C’est un scénario qu’on a déjà vu, en 2005 en Namibie, quand le président sortant est resté à la tête du parti au pouvoir. C’est un système transitionnel, et c’est ce à quoi je m’attends pour l’Angola. Joao Lourenço sera le premier de la liste électorale du parti et pourra être élu, mais José Eduardo dos Santos va continuer à garder un œil sur son héritage.
Le MPLA doit prouver qu’il peut se renouveler, car il ne peut plus garantir ses votes dans les zones péri-urbaines. Les Angolais ont vu peu de bénéfices à l’économie du pétrole, et le MPLA va devoir se battre pour regagner leur confiance. Dos Santos a déjà reculé en affirmant qu’il cèderait sa place aux élections de 2017, alors qu’il avait dit dans un premier temps qu’il partirait en 2018. Les partis d’opposition Casa et Unita pourront récupérer beaucoup de votes dans les zones péri-urbaines, surtout si ils s’allient. Mais je pense que le MPLA remportera la majorité des votes aux élections. La question est plutôt de savoir à quelle hauteur.
Par ailleurs, Dos Santos s’est rendu compte qu’il ne voulait pas mourir sur son trône, ce qui semble être le cas de Robert Mugabe au Zimbabwe.
Avec France24 et Agences