Le rapport de la Cenco recommandant à Kabila d’abandonner les poursuites contre Katumbi fait polémique

Les évêques catholiques congolais ont recommandé au président Joseph Kabila d’autoriser l’opposant en exil Moïse Katumbi à rentrer librement en République démocratique du Congo, qualifiant sa condamnation en justice de « mascarade », selon un rapport confidentiel.
Ce rapport a été établi à l’issue d’une enquête menée par la Cenco, alors qu’elle conduisait la médiation entre pouvoir et opposition ayant abouti à la signature le 31 décembre d’un accord de sortie de la crise politique née du maintien de M. Kabila à la tête de la RDC au-delà du terme de son mandat qui a échu le 20 décembre.
Les signataires de cet accord, exceptés les délégués de la majorité, ont chargé les évêques « de recueillir » des informations pouvant permettre d’obtenir la « liberté » pour les opposants Katumbi et Jean-Claude Muyambo en vue de la décrispation de l’espace politique en RDC.
Surprise et déception au sein de la majorité présidentielle après la divulgation du rapport de la commission ad hoc sur la décrispation politique. Dans ce rapport transmis le 29 mars au président Kabila et dont l’AFP a obtenu copie mercredi, la conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) plaide pour « le retrait » de la décision d’arrestation immédiate de Moise Katumbi, candidat déclaré à la présidentielle, et « son retour en homme libre afin qu’il exerce ses droits civils et politiques » en RDC.
Selon Aubin Minaku, secrétaire général de la majorité présidentielle et président de l’Assemblée nationale, les évêques ont violé la confidentialité de ce rapport qui a été effectivement déposé chez le président Kabila : « Un rapport destiné au président de la République. Après coup, on divulgue ce rapport. Alors nous disons probablement, l’objectif poursuivi déjà en amont, c’était de rédiger un rapport à publier pour gêner. Nous pensons que ce n’est pas la bonne méthode. Et cette méthode va inutilement accentuer les commentaires négatifs, et sur les évêques et sur tout le processus qui pourtant a porté des fruits ».
La majorité présidentielle promet de répondre point par point à ce rapport. « Il y a beaucoup de paradoxes, beaucoup de contradictions, notamment avec des principes piliers qui régissent toute République, quelle que soit la façon dont cette République est dirigée. C’est la Constitution, c’est l’indépendance du pouvoir judiciaire. C’est le respect dû aux décisions judiciaires. Donc nous pensons, nous la majorité, que les évêques devaient faire montre de beaucoup de souplesse, de tempérance dans ce dossier qui est très délicat », ajoute Aubin Minaku.
Comparution libre de Katumbi
Les avocats de l’opposant Moïse Katumbi exultent eux après les propos des évêques. Le rapport de la commission d’enquête de la Cenco sur les accusations dont il fait l’objet est sans ambiguïté puisque la Cenco estime que les charges contre l’ancien gouverneur du Katanga sont une mascarade et les pièces ont été fabriquées dans le but de le condamner.
Maître Mumba Gama, l’un des avocats de Moïse Katumbi, estime que la justice doit terminer le travail, puisque la procédure est actuellement en appel. Mais il exige que Katumbi puisse comparaître librement : « Nous, nous pensons qu’avec le rapport de la Cenco, le gouvernement doit assainir le climat pour que la justice soit rendue en toute indépendance. Et comme nous sommes en procédure, il y a un jugement qui a été rendu. Nous devons aller devant le tribunal et obtenir qu’il y ait un acquittement en bonne et due forme. Et cet acquittement, pour l’obtenir, on a besoin de la présence de monsieur Moïse au pays, en homme libre. Comme ça, il va comparaître devant le tribunal et on va appeler tous les témoins qui sont concernés par la Cenco pour prouver son innocence. Voilà ce que nous attendons ».
Ex-allié de poids de M. Kabila passé à l’opposition en septembre, actuellement en exil, M. Katumbi a été condamné à trois ans de prison pour spoliation d’immeuble appartenant à un citoyen grec et attend de comparaître devant la justice pour une affaire de recrutement de mercenaires. M. Muyambo a été condamné à cinq ans de prison dans une affaire d’escroquerie portant sur le même immeuble.
« Les deux procès ne sont que des mascarades », lit-on dans le rapport qui note que la citation à comparaitre adressée à M. Katumbi avait été déposée auprès du bourgmestre de son lieu d’habitation pendant qu’il avait obtenu du parquet « une excuse légale pour sortir du pays » en vue de suivre des soins médicaux à l’étranger.
La Commission mise en place par l’épiscopat estime que les « actes et pièces pour lesquels M. Moïse Katumbi est mis en cause sont fabriqués dans le seul but de l’inviter [au] procès et le condamner », laissant « croire que le procès collé à M. Katumbi Chapwe est plutôt un règlement de compte purement politique ».
M. Kabila est au pouvoir depuis 2001 et la Constitution lui interdit de se représenter. Le chef de l’État est resté à la tête du pays en vertu d’une décision controversée de la Cour constitutionnelle, finalement avalisé par l’opposition dans l’accord de la Saint-Sylvestre. Le climat politique est tendu en RDC.
Avec Afp et Rfi