Procès 100 jours en RDC: condamnation de Vital Kamerhe, la chute du « caméléon »

Procès 100 jours en RDC: condamnation de Vital Kamerhe, la chute du « caméléon »

Vital Kamerhe a été condamné pour « détournement de fonds publics » et « corruption aggravée » à 20 ans de travaux forcés et 10 ans d’inéligibilité.  Le procès a tenu la République démocratique du Congo en haleine. Il faut dire qu’il impliquait l’une des principales personnalités politiques du pays : Vital Kamerhe. Ancien proche de l’ex-président Kabila devenu opposant puis bras droit du nouveau chef de l’Etat. Une figure incontournable qui a écopé de 20 ans de travaux forcés, dans le cadre d’un procès anti-corruption sans précédent. Du jamais-vu dans le pays.

Vital Kamerhe, qui s’était désisté dans la course à la présidentielle en 2018, au profit du président actuel Félix Tshisekedi, a subi la plus lourde peine prononcée à l’encontre d’une personnalité politique congolaise. Condamné pour « détournement de fonds publics » et « corruption aggravée », l’ancien président de l’Assemblée Nationale est reconnu coupable d’avoir détourné près de 50 millions de dollars de fonds publics, alloués en théorie à la construction de 4.500 logements sociaux.

Il est condamné à 20 ans d’emprisonnement, « aux travaux forcés », ainsi qu’à 10 ans d’inéligibilité, après un procès sans précédent retransmis à la télévision nationale.

Le procès du programme d’urgence des 100 jours

Janvier 2019. Vital Kamerhe prend son poste de chef de cabinet aux côtés de Félix Tshisekedi. Pendant quelques mois, entre l’arrivée du nouveau président et la mise en place d’un gouvernement, les deux hommes politiques gèrent les affaires du pays dans une “opacité totale” selon les observateurs. Vital Kamerhe, face à un gouvernement démissionnaire que le nouveau président refuse de solliciter, s’engage dans un projet qu’il récupère, celui des logements sociaux dans les campagnes congolaises. Il prend la supervision des travaux du programme d’urgence des 100 jours.

Il signe alors deux contrats de 57 millions de dollars avec deux sociétés de construction appartenant au même homme, le Libanais Sammi Jammal, lui aussi sur le banc des accusés et condamné. Une enquête de Radio France Internationale révèle les conditions troubles de ces contrats. En effet, le second comprend deux fois plus de maisons que le premier, et le prix des maisons est deux fois plus élevé pour le premier contrat. On apprend également que Vital Kamerhe a agi sans rendre de comptes à qui que ce soit, ni même demander l’autorisation du ministre du Budget. Seul le ministre des Finances, qui lui répondait directement, était mis au courant.

L’arrestation de Vital Kamerhe avait fait l’effet d’une bombe en RDC, après quelques heures d’audition le 8 avril 2020.

Considéré presque comme un « président-bis », il s’était désisté en faveur de Félix Tshisekedi avant l’élection présidentielle du 30 décembre 2018, marquant ainsi la première alternance pacifique dans l’histoire du Congo. Les deux hommes forment le parti d’union Cap pour le Changement (Cach), qui réunit leurs partis respectifs. Kamerhe, bien implanté dans l’est du pays, et Tshisekedi dans le centre et l’ouest, avaient scellé un accord politique pour gouverner la RDC en coalition, avec les forces politiques de l’ex-président Joseph Kabila, dont Kamerhe a été proche dans le passé. Il aurait dû être le candidat officiel à la prochaine élection présidentielle.

Le « Kamerhéon »

Mais avant d’être le colistier de Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe – le « Kamerhéon », avait été l’ancien compagnon de guerre, et soutien des Kabila père et fils. Consultant, ministre et directeur de campagne, il devient même président de l’Assemblée nationale congolaise. En 2006, il écrit même un livre : « Pourquoi j’ai choisi Joseph Kabila ».

Mais en 2009, il tombe en disgrâce, après avoir dénoncé l’intervention des troupes rwandaises dans la province du Nord-Kivu. Joseph Kabila ne lui pardonne pas, et il démissionne. Il passe alors à l’opposition et crée alors son parti, l’UNC (l’Union pour la Nation Congolaise) en 2010. Il ne cache pas son désir de briguer la présidentielle. Dès 2011, il se présente à l’élection présidentielle face à Joseph Kabila et Étienne Tshisekedi, arrivant troisième.

La condamnation de l’homme le plus proche de Tshikesedi peut servir à redorer l’image du président. Lâcher un allié, mais malgré tout rival, au nom de la lutte contre la corruption, pourrait lui laisser un boulevard pour l’élection présidentielle prochaine. En effet, lors de la coalition avec Kamerhe, il lui aurait promis le siège présidentiel pour 2023.

Mais ce n’est pas tout. En montrant sa détermination à laisser la justice faire son travail contre la corruption du pays, il envoie un signal fort aux États-Unis, qui avait besoin de garanties avant de le soutenir.

(Bakolokongo avec TV5Monde)