Le nouveau porte-avions nucléaire américain prend enfin à la mer

Le nouveau porte-avions nucléaire américain prend enfin à la mer

Le plus grand bâtiment de guerre du monde et le plus cher de l’histoire navale, l’USS Gerald R. Ford, sorti en novembre 2013 de la grande forme de construction du chantier Huntington Ingalls Industries de Newport News, va bientôt débuter ses essais en mer. En achèvement à flot depuis plus de deux ans et demi, la tête de série du programme CVN 21 s’est offerte samedi une courte navigation, assistée par de puissants remorqueurs, qui ont retourné le navire, dont la proue fait pour la première fois face au chantier où il a été mis sur cale en novembre 2009.

L’USS Gerald R. Ford samedi 11 juin (© HII)

Essais en juillet pour une réception par l’US Navy en septembre

Le compte à rebours a désormais commencé pour le constructeur et l’US Navy, qui prévoit de réceptionner le bâtiment dès le mois de septembre. Dans cette perspective, les essais en mer doivent débuter en juillet au large des côtes américaines. Il s’agira en premier lieu de tester l’appareil propulsif et la manœuvrabilité du porte-avions, ainsi que ses systèmes de navigation, de communication et les nombreux automatismes permettant de réduire significativement l’équipage (4660 marins, groupe aérien embarqué compris, contre 5600 sur les porte-avions américains actuels). Pour mémoire, l’USS Gerald R. Ford est équipé de deux réacteurs nucléaires de nouvelle génération, des Bechtel A1B, conçus pour fonctionner pendant toute la durée de vie du bâtiment sans être rechargés. Doté de quatre lignes d’arbres, le porte-avions, long de 333 mètres pour une largeur maximale de 78 mètres (41 à la ligne de flottaison) et un déplacement d’environ 100.000 tonnes en charge, est conçu pour atteindre la vitesse de 30 nœuds.

L’USS Gerald R. Ford samedi 11 juin (© HII)

Catapultes électromagnétiques

Une fois les essais de plateforme réalisés, l’US Navy pilotera avec les industriels concernés la mise au point du système de combat, des systèmes d’armes et l’intégration de l’aviation embarquée. Avec à bord une révolution technologique constituée par les quatre catapultes électromagnétiques (Electromagnetic Aircraft Launch System) de 93 mètres de long, succédant aux traditionnelles catapultes à vapeur. Les nouveaux réacteurs du bâtiment, nettement plus puissants que ceux des unités de la classe Nimitz (A4W), fourniront l’énergie nécessaire au fonctionnement des EMALS, avec une capacité de production d’électricité trois fois supérieure. Equipements critiques, ces catapultes de nouvelle génération ont fait l’objet d’importants investissements de R&D et de nombreux essais, les premiers tests de catapultage à quai ayant été réalisés il y a un an avec des chariots simulant le poids des avions (jusqu’à 36 tonnes) que le CVN 78 embarquera (F-35C, F/A-18 Super Hornet, EA/18-G Growler, E-2D Hawkeye, C-2 Greyhound et drones).

L’une des quatre catapultes EMALS (© US NAVY)

Une plateforme repensée et un nouvel îlot

Doté des technologies les plus récentes, en particulier dans le domaine de l’électronique et des automatismes, le bâtiment dispose de 3000 kilomètres de câbles électriques et 1200 kilomètres de fibres optiques. Alors que la plateforme a été totalement repensée par rapport aux Nimitz, avec une amélioration sensible des flux à bord et une gestion plus efficiente de la mise en œuvre du groupe aérien embarqué, qui sera composé de 70 aéronefs, l’USS Gerald R. Ford arbore un nouvel ilot. Totalement différent de celui des Nimitz, il est toujours déporté vers l’arrière mais est moins long et adopte un design furtif. Avec le CVN 78, l’US Navy disposera d’ailleurs pour la première fois d’un porte-avions équipé de radars à faces planes intégrés à la structure de l’îlot. Il s’agit notamment du radar multifonctions à antenne active SPY-3.

(© US NAVY)

Plus de 17 milliards de dollars

C’est donc un porte-avions entièrement nouveau et extrêmement complexe que les marins américains et les industriels vont devoir rendre opérationnel. Et un long chemin reste encore à parcourir avant que l’USS Gerald R. Ford puisse mener ses premières missions de combat. Le programme, confronté à d’importants surcoûts liés à des difficultés techniques, ce qui n’est pas franchement étonnant compte tenu de son ampleur et de son ambition technologique, a coûté pas moins de 4.7 milliards de dollars en frais de développement. S’y ajoute le prix de la construction, évalué en 2013 à 12.8 milliards de dollars, soit 22% de plus que ce qui était prévu au moment de la signature du contrat en 2008.

Vue du futur USS John F. Kennedy (© US NAVY)

Les deux prochains bâtiments attendus en 2022 et 2025

Ces dépassements et les contraintes budgétaires ont obligé l’US Navy à étaler la réalisation des bâtiments suivants. Alors que l’USS Gerald R. Ford, qui va remplacer l’ancien USS Enterprise (CVN 69 désarmé en 2012), ne devrait pas être mis en service avant 2017 et ne sera alors pas totalement opérationnel, son premier sistership, le futur USS John F. Kennedy (CVN 79), a été mis sur cale par HII en août 2015. Prévu pour être à flot en 2018, il doit remplacer en 2022 l’USS Nimitz (CVN 68), en flotte depuis 1975. Quant au troisième bâtiment de la série, le futur USS Enterprise (CVN 80), sa mise sur cale est programmée en 2018 en vue d’une livraison en 2025 pour succéder à l’USS Dwight D. Eisenhower (CVN 69), qui date de 1977.

10 porte-avions en flotte

Pour mémoire, l’US Navy aligne pour le moment 10 porte-avions, dont quatre ont atteint ou dépassé les 30 ans. La classe Nimitz compte un troisième bâtiment, l’USS Carl Vinson (CVN 70, 1982). S’y ajoutent cinq unités du type Theodore Roosevelt (TR, Abraham Lincoln, George Washington, John C. Stennis et Harry S. Truman), entrés en service entre 1986 et 1998. Les deux plus récents porte-avions américains, qui constituent l’ultime évolution de cette génération, sont l’USS Ronald Reagan et l’USS George H.W. Bush, sont opérationnels depuis 2003 et 2009.

L’USS George H. W. Bush (© US NAVY)

Source: Mer et Maritime